Kudluajuk AshoonaUntitled, 2016.
Photo : permission de Dorset Fine Arts, Toronto

Généalogies autochtones, héritages et ramifications

Chris Gismondi
C’est une pratique courante de l’art occidental moderne et contemporain que d’observer l’art par la lorgnette de la famille (biologique ou choisie). Mais la filiation comme stratégie d’exposition et de recherche n’a pas encore trouvé à s’appliquer aux artistes et artisan·e·s autochtones de différentes générations. S’il est vrai que les artistes abordent les thèmes de la famille et de la vie domestique dans leur pratique, ce que je cherche à mettre en évidence, ici, ce sont plutôt les « familles d’artistes » et la production artistique à travers les générations. Bien que les structures de parenté autochtones soient floues et très étendues, la famille immédiate constitue une source de savoir et un espace pédagogique essentiels.

Les familles révèrent les artisan·e·s et se transmettent comme un trésor les traditions, motifs graphiques, techniques et autres savoirs exclusifs. Par exemple, avant son décès en 2019, Andrea Flowers a enseigné à ses petites-filles Veronica et Vanessa (V&V Crafts) la technique de couture des bottes imperméables en peau de phoque1 1 - « Learning the Disappearing Art of Black-Bottomed Sealskin Boots », Inuit Art Quarterly, 3 novembre 2021, accessible en ligne.. Il existe donc, souvent, une ressemblance visible entre les œuvres d’artistes autochtones établi·e·s présentées au public et les objets produits par des membres de leur famille. Certains styles ou choix esthétiques, certaines techniques de conception ou de narration sont revisités par d’autres générations d’artistes. Je soutiens que cela devrait continuer d’être un appareil de recherche créative, tout comme ce l’a été pour d’autres familles, groupes et partenariats d’artistes non autochtones. Réunir les œuvres d’artistes qui partagent leurs expériences et leurs perspectives familiales relève du simple bon sens. En faisant ressortir les « familles » et la parenté artistiques des Autochtones, on prend à rebours la fissure historique causée par la définition étroite de la famille imposée par le colonialisme et les missionnaires. J’emprunte ici au savoir féministe et aux études généalogiques sur les Autochtones pour cartographier le développement de pratiques familiales et illustrer les forces de la famille en tant qu’outil d’analyse.

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Cet article parait également dans le numéro 107 - Famille
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