Rêves d’un Marco Polo

André Greusard
Claude Vivier, Rêves d’un Marco Polo (2 DVD), Opus Arte, OA 0943 D.

[In French]

En 2004, à Amsterdam, un festival était consacré à Claude Vivier, compositeur québécois mort tragiquement à Paris, en 1983, à l’âge de 35 ans. Cet événement soulignait l’intérêt porté à l’œuvre de ce dernier, depuis plusieurs années, par le pianiste et chef d’orchestre Reinbert de Leeuw et le metteur en scène Pierre Audi.

Élève de Gilles Tremblay au Conservatoire, Vivier a poursuivi sa formation en Europe, auprès de Stockhausen, et à l’Institut de ­phonologie d’Utrecht. Un voyage en Asie, et plus particulièrement un séjour à Bali, marqueront sa production subséquente. Sa musique se caractérise par une approche personnelle sur le plan de la forme, des timbres et des textures, mais aussi par l’utilisation de la voix ou de l’homorythmie. Reconnu ici et à l’étranger, György Ligeti le considérait comme un des plus importants compositeurs de sa génération. 

Le DVD Claude Vivier, Rêves d’un Marco Polo – Opéra en deux ­parties nous offre la chance de visionner les deux soirées ­consécutives présentant la quintessence de ses œuvres de maturité. De plus, un documentaire réalisé à partir d’archives et d’entrevues présente le compositeur et son œuvre.

On présentait, lors du premier concert, Kopernikus1 1 - Kopernikus a été créé à Montréal le 8 mai 1980 par l’Atelier de jeu scénique et l’Atelier de musique contemporaine de l’Université de Montréal sous la direction de Lorraine Vaillancourt, dans une mise en scène de Marthe Forget., un opéra qui se démarque d’un genre déjà fortement questionné depuis l’après‑guerre. Il s’agit ici du cheminement initiatique d’Agni ­qu’entourent des personnages mythiques tels Merlin, la Reine de la nuit et Copernic. Les indications scéniques quasi inexistantes dans la partition obligent, de manière implicite, à une mise en scène basée sur le texte et la musique. Dans ce contexte, le metteur en scène a toutes latitudes pour laisser libre cours à sa vision de l’œuvre.

La ­qualité des représentations doit beaucoup à ­l’engagement ­évident des interprètes et musiciens dans la mise en scène ­complexe. Les moyens techniques de production sont ­impressionnants. Une ­ancienne usine a été complètement réaménagée. Un ­ensemble ­complexe de structures métalliques, sur plusieurs niveaux, ­entoure une scène à l’italienne. Un imposant dispositif d’éclairage ­complète la ­scénographie. La création de ces œuvres, à Montréal, n’a ­malheureusement jamais disposé de moyens aussi imposants.

Le second concert proposait un opéra-fleuve, Marco Polo, une suite de pièces vocales et instrumentales, à l’origine autonomes, évoquant la solitude, la mort, mais aussi l’émerveillement, un sujet de fascination pour le compositeur qui y voyait sa propre quête ­d’identité. On y retrouvait des œuvres telles que Prologue pour un Marco Polo, Zipangu et une de ses pièces maîtresses, Lonely Child. Audi et de Leeuw ont opté pour une approche singulière, soit celle de recréer une œuvre intégrant l’ensemble de ces pièces, appliquant ainsi une idée émise antérieurement par Vivier. Pour reprendre les termes du ­metteur en scène, « il en résulte une œuvre à la fois profondément ­personnelle et originale, qui demande à l’interprète comme à l’auditeur, pour ­l’aborder, de mettre de côté toutes leurs idées préconçues ».

André Greusard
This article also appears in the issue 59 - Bruit
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