Assumant d’entrée de jeu que ce n’est pas là une présentation ­exhaustive de la création audiovisuelle actuelle, le projet Post-Audio_DVD permet néanmoins de prendre la mesure de quelques ­propositions. Les œuvres, réalisées entre 2001 et 2006, ont été ­rassemblées par l’artiste et commissaire Gennaro De Pasquale. Alliant son et image, elles s’inscrivent dans des démarches ­foncièrement différentes mais qui explorent à leur manière une certaine symbiose entre l’expérimentation visuelle et musicale. Comme le mentionne Bernard Schütze dans le livret qui accompagne ce coffret de deux DVD : « Ces réalisations se distinguent d’emblée du Vjing ou du vidéo-clip, où l’aspect visuel est souvent relégué à l’illustration du contenu musical. »

Le travail visuel de Gabriel Coutu-Dumont dans le projet 5mm illustre bien cette volonté de proposer une œuvre qui dépasse le ­placage habituel des images que l’on retrouve souvent dans les ­soirées de musique électronique. En s’inspirant de l’album Musique pour 3 femmes enceintes de Marc Leclair (mieux connu sous le nom d’Akufen), cette œuvre, d’abord conçue pour une performance live, évoque des éléments organiques (globule, noyau, vaisseaux sanguins, etc.). La récurrence des motifs permet de composer une trame ­visuelle qui s’arrime à la trame musicale, créant une fusion entre les deux. L’approche est ici plus globalisante et permet de créer une œuvre qui se déploie dans la durée. Il est moins question ici de fragmenter chaque piste sonore et visuelle, mais de les laisser se dérouler dans le temps. Par contre, c’est justement cette durée qui confine 5mm dans un format plus approprié à la performance live et qui passe peut-être moins bien dans le format DVD. 

C’est un constat que l’on peut faire si l’on joue le jeu de la ­comparaison entre 5mm et le projet qui réunit Pascal Grandmaison et Herri Kopter, personnage créé par Jérôme Minière. Dans ce cas-ci, il existe une certaine indépendance entre les vidéos de Grandmaison et l’univers créé par Minière. D’une part, l’alter ego du musicien lui a permis de concevoir une œuvre musicale différente de sa pratique habituelle, permettant d’explorer de nouvelles sonorités et même d’introduire une certaine étrangeté dans les  mélodies. D’autre part, bien que l’on puisse voir une certaine filiation entre la musique et le visuel, la démarche artistique de Grandmaison demeure prégnante par le minimalisme qui se dégage de ses vidéos et par une certaine forme de poésie issue de la sensibilité que possède l’artiste à capter ses sujets. L’artiste parle de son époque en misant beaucoup sur la solitude et la mélancolie qui se dégagent de ceux-ci, illustrant d’une certaine manière l’univers que Minière a voulu installer avec son ­propre personnage. 

Dans la série Currently active camera (2004), Gennaro De Pasquale compose plusieurs vidéos à partir d’images retransmises par des ­webcams. À partir de cette matière visuelle dont la qualité laisse à désirer, l’artiste crée une mosaïque de situations qui souligne une forme de solitude dans cette volonté des individus de se montrer à la face du monde. La musique de Jean-Sébastien Roux (alias JSR) vient souligner certaines émotions véhiculées dans les tableaux vivants mais sert davantage à illustrer le contenu des images. Le travail de Daniel Olson vient apporter une autre dimension à ce DVD. Les vidéos de cet artiste multidisciplinaire montrent un intérêt particulier pour les sons captés à la source. Dans High art, une caméra portée à bout de bras filme la Joconde. Le sujet de l’œuvre n’est pas tant cette icône de l’histoire de l’art mais la rumeur qu’elle cause autour d’elle. Le ­brouhaha où s’entremêle des voix et une série de cliquetis d’appareils photos est tellement intense qu’il devient le sujet de cette œuvre vidéo. Ces œuvres brèves, courtes bandes vidéos, donnent à voir et entendre ce qui nous entoure.

Post-audio_DVD permet de saisir, malgré le nombre restreint des œuvres présentées, quelques approches collaboratives entre ­musiciens et artistes visuels. Mais surtout de sortir, l’espace d’un moment, de l’éphémère où sont souvent confinées ces pratiques artistiques. 

Manon Tourigny
This article also appears in the issue 59 - Bruit
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