Katrie Chagnon
Le devenir-femme des historiens de l’art : Michael Fried et Georges Didi-Huberman

[In French]

À l’issue d’une enquête doctorale menée sur le terrain historiographique de deux auteurs phares de l’histoire de l’art contemporaine, Katrie Chagnon signe un essai dense et ouvert qui se révèle un véritable exercice de lecture en acte. Emprunté au chercheur Mathieu Frackowiak, spécialiste de la philosophe Sarah Kofman, le terme « devenir-femme » inaugural cerne ici moins une potentialité ou puissance prêtée aux figures scrutées, Michael Fried et Georges Didi-Huberman, qu’un angle féministe inspiré par les travaux de Sarah Kofman et les possibles herméneutiques que cette lecture sous-tend. 

Dans les pas de l’« art de la lecture » frayés par Kofman, soit « l’invention d’un chemin singulier » oscillant entre écrits et biographie, ce sont aussi les relations inédites entre la théorie et le fantasme que propose d’examiner Chagnon, ou autrement dit, l’économie sexuelle et pulsionnelle qui fomente le discours théorique à même les « défenses » qu’il comprend. Il s’agit ainsi, non seulement de débusquer des résonances fantasmatiques dans les discours – du reste en partie avouées par Fried et Didi-Huberman –, mais plus finement, et de manière plus incisive, d’interroger les positionnements sexuels et de genre des auteurs, complexes, ambigus, assumés ou larvés, ce que les registres croisés du fantasme et de la théorie, traditionnellement exclus l’un de l’autre, permet de mettre en évidence. À l’instar de Kofman, qui conjoint « écoute psychanalytique (freudienne) » et « déconstruction philosophiques (nietzschéenne) », l’autrice situe son regard analytique sur un seuil, entre fidélité et infidélité, proximité et distance, communion et transgression, afin d’examiner la situation du féminin, jugée problématique au sein de ces corpus.