Catherine Bolduc. Mes châteaux d’air et autres fabulations 1996-2012

Dominique Allard
Geneviève Goyer-Ouimette (dir.), Saint-Hyacinthe, Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe et Laval, Maison des arts de Laval, 2012, 295 p.

[In French]

Sous la direction de Geneviève Goyer-Ouimette, le centre d’exposition Expression et la Maison des arts de Laval publiaient récemment le troisième volet de l’important projet « bilan » consacré à l’œuvre de Catherine Bolduc, Mes Châteaux d’air et autres fabulations 1996-2012. Audacieuse, la publication de près de 300 pages comprend les textes de l’artiste, de la commissaire et de deux auteurs invités, Marc-Antoine K. Phaneuf et Anne-Marie St-Jean Aubre, une annexe chronologique et bibliographique et nombre de clichés photographiques d’œuvres in situ. Singulière, la monographie emprunte de par son style à l’œuvre littéraire, tandis que la conception reprend, pour sa part, les encodes du projet d’exposition. Plusieurs objectifs sous-tendent le projet tant au niveau de son contenu que de sa forme ; comme le note la commissaire à la publication, l’intention était à la fois de proposer un survol de la production de l’artiste, de présenter des installations autrement disparues, d’aborder la publication comme « un nouvel espace à investir» et de « briser le cadre plat du livre […] afin de simuler l’expérience réelle des œuvres ». (p. 11)

Parmi les stratégies employées afin d’engager la relation et ainsi faire du livre un « espace réel », notons le caractère poétique et intimiste du propos. Comme en témoigne le titre de l’ouvrage, ce sont les souvenirs qui, à l’origine de l’œuvre de Bolduc, servent ici de point d’intersection entre les textes : tandis que Goyer-Ouimette réfléchit sur les mécanismes de la mémoire tels que la remémoration et la réinterprétation centrales au processus créatif de l’artiste, le texte de Phaneuf recense soixante-quatorze vérités à propos de Catherine Bolduc qu’il associe, de manière poétique, à son vocabulaire plastique. Différemment, le texte de St-Jean Aubre établit le rôle prépondérant de la littérature dans sa démarche, et propose une analyse des œuvres en relation à ses souvenirs de lecture. Enfin, le court texte de Bolduc sert stratégiquement d’entrée en matière : de ses expériences de voyage, l’artiste évoque les thèmes dialectiques qui animent sa pratique (désir/déception ; souvenir/fantasme ; réalité/fiction) qui seront retrouvés au fil des essais. Ainsi, à l’image de la pratique de l’artiste, les éléments conceptuels et graphiques de la publication nous apparaissent parfaitement liés, bouclés. C’est ici un des points saillants du livre : entre les renvois aux volets précédents, la complémentarité des textes, les références multiples au cinéma et à la littérature et aux souvenirs de l’artiste, la publication permet une meilleure compréhension du processus créatif de Bolduc parce qu’il est lui-même construit comme « réseau associatif en constant état de réajustement ». (p. 19) À cet égard, mentionnons le remarquable travail graphique de Jean-François Proulx qui, par l’ajout d’annotations au stylo bille en marge des textes, participe à la création d’un auteur/lecteur fictif qui emploie la marge tel un aide-mémoire ou, plus largement, comme espace de toutes probabilités mémorielles.

Catherine Bolduc, Dominique Allard
This article also appears in the issue 77 - Indignation
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