Jean-Pierre Gauthier, Dégel sonore, 2005.
photo : Jean-Pierre Gauthier

[In French]

Manger des yeux le bruit

Le bruit est parmi nous, il est en nous, il est partout. Il nous envahit constamment. 

Il est un tas, une masse sonore protéiforme qui s’oppose aux sonorités propres et distinctes. Il est indésirable. Le bruitiste, lui, crée des images sonores, des imitations, des simulations sonores à partir de choses. Ces objets utilisés sont tellement éloignés du sujet évoqué qu’ils étonnent. 

Beaucoup de mes installations reposent sur ce principe d’écart entre l’objet, sa fonction usuelle et son potentiel sonore. Une musicalité
(dans un sens libre) et des évocations sonores d’un monde animalier étrange émergent par l’intermédiaire d’une panoplie d’objets hétéroclites mécanisés. 

Le bruit m’intéresse lorsque sa rencontre est fortuite, lorsque de celui-ci émerge tout à coup comme un son distinct, une particularité sonore. Tout à coup, toute musique, toute parole, tout chant devient bruit dérangeant ; pour un bref instant, la réalité s’inverse et ainsi commence un nouveau processus de création. Il est difficile de vivre très longtemps dans cette dimension parallèle, dans ce trou de vers. C’est pourquoi je cherche à créer de brefs instants d’exaltations où l’oreille s’active et n’est plus cet organe qui se fait bourrer telle une oie gavée : dans cet instant particulier où les oreilles deviennent bouche et œil en même temps, elles observent savamment, sournoisement et avalent goulûment ce son. Le défi toutefois est de sortir de l’expérience avec les oreilles indemnes. Mon souhait en installation sonore a toujours été de recréer cet instant particulier.

Jean-Pierre Gauthier, Dégel sonore, 2005.
photos :  Jean-Pierre Gauthier
Jean-Pierre Gauthier, Marqueurs d’incertitude : La patineuse, 2006;
Marqueurs d’incertitude : Percussions, 2005.
photos : Jean-Pierre Gauthier, David Jacques (ci-contre)
Jean-Pierre Gauthier
This article also appears in the issue 59 - Bruit
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