[In French]

La performance est l’actualisation devant un public potentiel d’un contenu variable d’expressivité ; c’est à la fois une attitude visant la libéralisation des habitudes, des normes des conditionnements et, en même temps, une déstabilisation visant une reformulation des codes de la représentation, du savoir, de la conscience. La performance est une mise en situation de matériaux dans un contexte, une destitution des rapports conventionnels et une transformation des catégories stylistiques. La performance colporte les acquis culturels et cherche à définir des acquis potentiels dans l’hégémonie des formes plus ou moins institutionnalisées, selon les genres et les besoins d’affirmation ou de négation. Il y aurait des performances issues de pratiques comme les arts visuels, la poésie, la musique, le théâtre … et d’autres qui tentent de déterminer des critères délimitant les méthodologies hors des conditionnement et des conventions, essayant d’appliquer à ce style de positionnement une originalité fonctionnelle. 

Il y a autant de sortes de performances qu’il y a de performeurs. Les caractéristiques culturelles d’une ethnie ou d’un espace-temps géographique sont des critères sur lesquels s’organise la livraison de la performance. La même performance sera perçue différemment d’une région géographique à une autre. La performance s’articule la plupart du temps en fonction du contexte de sa présentation. Il y a des performances où le corps est totalement présent, d’autres où l’appareillage « objectuel », médiatique ou technologique tend à constituer l’essentiel de l’activité ; à d’autres moments, l’investigation suppose le questionnement théorique, tandis qu’à certaines occasions, il y a interactivité entre le performeur et le public.

Historiquement, la performance serait issue des pratiques dématérialisantes des années 1960, surtout au niveau de la reconnaissance officielle de ce type de pratique artistique. Toutefois, des actions performatives trouvent dans les protagonistes des avant-gardes du début du siècle (futurisme, dadaïsme, surréalisme, etc) des assises historiques.

L’hybridation des artistes des années 1980, contre la spécialisation et le métier, confirme la polyvalence artistique, qualifiée de multidisciplinaire ou d’interdisciplinaire, qui inclut la performance comme une attitude visant la libéralisation des critères objectifs institués. À la limite, il y aurait des performances expressionnistes, d’autres «ritualistes » ; toutefois les formes de livraison sont des moments qui nous apprennent quelque chose sur la manière dont s’exécute l’activité artistique-poétique dans un contexte déterminé. La responsabilité de l’auteur colporte son engagement et la validité de son potentiel affirmatif et symbolique.

L’organisation sociale, le contexte religieux, l’évolution technologique, le niveau de vie et toutes les caractéristiques culturelles sont des axes sur lesquels le performeur agit. Le niveau de la réponse est une analyse socio-critique des présupposés philosophiques du questionnement. La liberté du performeur correspond à son engagement envers l’art.

Nommer une pratique

Nommer une pratique parmi toutes celles qui concernent mon activité. Le performatif dans l’ensemble, le tissu performatif généralisé m’intéresse davantage. Les aspects variés et multiples couvrent divers supports et méthodologies.

Créer le performatif dans la rencontre semble le moment de la performance. Et l’éclatement des unités performatives correspond au degré d’intensité dans le trouble de l’action.

Favoriser la performativité est une entreprise d’accentuation de l’énergie artistique. Donc le performatif s’ajuste selon les dispositifs comme situations et contextes.

Le fait d’appliquer diverses strates de langages peut culminer en une sorte d’encyclopédie du style, de la part du protagoniste. Mais s’il y a rencontre et présence, il y a aussi matières et niveaux arbitraires de symbolisation.

L’univers du performatif semble emprunter plusieurs accents et variations dans le procédé de livraison.

Il y a aussi des « répétitifs » ou morceaux de temps-espaces qui semblent récurrents ; c’est aussi parce qu’il y a du style et de l’identité. Mais il doit y avoir une présence qui s’active ou non, et une situation de communication ou non, selon les intentions de l’émetteur, s’il en est !

Actuellement, mes performances se réalisent sur place, je décide de l’agencement séquentiel quelques heures avant, selon l’espace et les diverses contraintes, qui peuvent devenir des avantages. J’utilise quelques objets et matières les plus simples, près du quotidien. Ceci permet d’évacuer le système du spectaculaire directif.

La performance se réalise alors dans le contexte selon les gens présents dans l’espace et la variété des ambiances.

L’activité accomplit une osmose dans les divers dispositifs qui s’ajustent au rythme de l’action et de sa dynamique par le protagoniste qui reçoit un input du déroulement séquentiel arbitraire. Difficile donc de définir la performance d’autant plus qu’il s’agit d’un système esthétique en mutation.

Mais de loin de l’acting ou du théâtre, l’univers performatif est plus près de la déroute ou du chaos. Ça pose plus de questions que ça donne de réponses !

Le risque d’agir sur le moment, avec les matières et matériaux, constitue l’univers de la performance.

S’il s’agit de refaire une action similaire, du moins qu’elle se fasse à l’envers ! Depuis plus de 20 ans maintenant, la pratique de la performance m’amène à comprendre la dynamique du vécu selon un type de circonstance donné. On peut ajuster ce type de compréhension systémique à d’autres univers de pratiques et d’investigations.

Le performatif devient presque un genre de vie qui comporte les risques de la destitution normalisée par l’ambiance.

Actuellement, je vois une pluralité de performances comme univers clos de spectaculaire tandis que j’envisage plutôt le performatif comme un tissu qui s’infiltre dans le socius comme matière artistique et culturelle.

Il est difficile de banaliser l’art, la performance, la culture.

Comme l’univers du performatif fait partie du trouble dans l’organisation ostentatoire de la marchandise qui s’offre en spectacle, la livraison performative devra s’appliquer en utilisant, l’erreur et même l’accident pour s’accomplir.

La performance utilise des niveaux de langages et de matières spectaculaires, mais ce n’est pas la base première de son argumentation.

L’univers du performatif ne peut s’ajuster comme marchandise spectaculaire, c’est un aliment accidentel occasionnel et arbitraire.

Richard Martel, Richard Martel
This article also appears in the issue 40 - Performance
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