L’idée de la peinture

Sylvette Babin
L’assertion voulant que la peinture soit morte, formulée de façon périodique depuis plusieurs décennies, pourra en faire sourire plus d’un tellement celle-ci est omniprésente dans les galeries et musées, dans les foires d’art et autres événements liés au marché. Sans conteste, l’intérêt pour la peinture n’a pas failli malgré l’avènement et le continuel perfectionnement des technologies de l’image. Ce n’est donc pas du déclin de la peinture dont nous traiterons dans ce dossier, mais bien de ce qui témoigne de sa vitalité et de son renouvellement. Certes, un tel dossier n’est pas sans soulever des interrogations sur la direction à privilégier, puisque la peinture adopte de nos jours une multitude d’orientations conceptuelles et autant d’approches formelles et esthétiques. Devant cette pluralité, il n’est plus à propos de faire état des courants artistiques en peinture, ni de raviver les débats moribonds entre l’abstraction et la figuration.

Le thème proposé, L’idée de la peinture, pourrait donner à croire que nous avons choisi de ne pas nous positionner envers la peinture comme médium (la peinture-peinture), et de privilégier plutôt des recherches prenant la peinture comme sujet. Cette ouverture sur des pratiques artistiques (photographie, sculpture, performance, tableaux vivants) qui font aussi appel aux différents codes de la peinture, à ses conventions esthétiques ou à ses références historiques a permis de constater l’influence prégnante de la peinture dans tous les champs de l’art, sans que cela mène pour autant à évacuer de ce dossier la picturalité et le geste de peindre. Au contraire, c’est une peinture définitivement affirmée comme telle qui s’impose dans ce numéro. On remarque notamment que la peinture moderniste, de même que le monochrome, nourrit encore, à plusieurs égards, de nombreuses démarches et que différents auteurs se réfèrent à cette période de l’histoire de l’art pour mettre en perspective des aspects spécifiques des œuvres analysées. Cette direction ne saurait toutefois être vue comme une prédominance de la peinture actuelle ; les œuvres qui comportent des éléments figuratifs – et qui emprunteraient plutôt aux différents courants des années 1980 souhaitant rompre avec les diktats du modernisme (par exemple, la Trans-avant-garde internationale) – occupent aussi une place significative dans ce numéro.

Devant l’effervescence de la peinture et la multiplication des genres, force est de constater qu’il est impossible de rendre compte de l’ensemble des préoccupations des artistes de ce début du 21e siècle, ni d’en tracer un portrait exhaustif. À quelques exceptions près, nous avons donc circonscrit notre panorama à la scène québécoise et canadienne, notamment dans le portfolio, qui nous donne un aperçu de la variété des approches dans ce contexte géographique. Nous avons également choisi de consacrer la majeure partie de ce numéro au dossier thématique, en laissant de côté, exceptionnellement, la section Articles.

Sylvette Babin
Cet article parait également dans le numéro 76 - L’idée de la peinture
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