Scott RogersRelease for Sleepwalkers (Peafowl, Golden Pheasant, Lady Amherst’s Pheasant, Crested Pigeon), 2022.
Photo : permission de l’artiste

Corvo ou la sittelle corse ? Deux versions de l’ornithologie compulsive

Scott Rogers
Pour moi qui suis à la fois artiste et ornithologue amateur, ces deux obsessions sont indémêlables – surtout en voyage. Avant de partir pour installer mes œuvres dans une galerie, je fais des recherches sur les réserves naturelles des environs, lieux d’escapades salutaires vu le stress des expositions. Que ce soit à Venise, à la documenta ou à d’autres rencontres ­internationales du monde des arts, je me déplace d’un ­pavillon à l’autre en ­consignant mes observations sur mon téléphone, mes jumelles à portée de main dans un sac écolo aux ­couleurs de la manifestation. Davantage qu’une vocation ou un loisir, l’art et les oiseaux sont pour moi des manières de me situer dans le monde – de toucher à ma propre relativité par ­rapport à des milieux écologiques, économiques et politiques, à des peuples et à des territoires différents des miens. Ce genre de ­tourisme m’amène en des lieux où j’entre en contact avec des formes d’art auxquelles je n’ai pas accès là où je vis et des oiseaux qu’on ne voit pas autour de chez moi.

En ornithologie aussi, la différence entre un oiseau rare et une espèce commune est relative. Ce qui est banal à tel endroit peut devenir, ailleurs, singulier à l’extrême. L’oiseau lui-même est perdu, fort probablement : âme errante à la merci du vent ou de la météo, il est épuisé et s’est trouvé forcé d’emprunter malgré lui un certain itinéraire. Un cardinal à poitrine rose est toujours un régal pour l’œil en Ontario, mais, égaré aux Shetland, il attirera, aussi surement que la gravité d’une étoile superdense, des centaines d’enthousiastes lesté·es d’appareils photo. Il est possible également que le représentant d’une espèce rare soit un éclaireur en quête d’un meilleur endroit où s’établir. De nombreuses iles abritent des populations endémiques qui, arrivées ainsi, ont évolué en fonction de l’habitat particulier. C’est le cas de la sittelle corse, un petit oiseau qu’on ne peut apercevoir que dans les hautes montagnes de l’Ile de Beauté.

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Cet article parait également dans le numéro 111 - Tourisme
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