Une saison chez Guy Borremans – Sébastien Hudon

Pierre Rannou
Montréal, Varia, (Mémoire vive)
2007, 131 p.
Personnage important de la scène culturelle québécoise des années 1950 et 1960, Guy Borremans mérite certainement que l’on tente de l’inscrire dans l’histoire des arts visuels du Québec. On ne pouvait donc que saluer la publication d’un livre d’entretiens avec celui qui se sera lié au fil des ans à quelques-unes des figures importantes de la création d’ici, aussi bien dans le domaine des arts plastiques (­plusieurs membres des automatistes et des plasticiens), de la littérature (Claude Gauvreau et Patrick Straram le bison ravi) que du cinéma (Arthur Lamothe, Gilles Groulx et de nombreux autres). D’ailleurs, au moment où l’on fait grand cas de la redécouverte du cinéaste René Bail, il ne ­faudrait pas oublier que Borremans fut lui aussi au cœur de l’éclosion de la ­cinématographie ­québécoise naissante avec son film La Femme image, qu’il termina au début des années 1960. 

Dans son propos liminaire, Catherine Morency, directrice de la collection Mémoire vive, explique « que la présente ­collection vise à ­restaurer [un] devoir de mémoire, en donnant la parole à des hommes et à des femmes atypiques qui ont fait preuve d’un investissement personnel hors du commun dans divers domaines du champ social (arts, pensée, vie publique) ». Malheureusement, le texte que Sébastien Hudon consacre à Borremans n’atteint que très partiellement cet objectif. 

À l’aide de neufs courts chapitres, d’une chronologie sélective et d’une filmographie, l’auteur s’est plutôt concentré à reconstituer le ­parcours biographique de Borremans. Malheureusement, ce choix, qui aurait pu dans d’autres circonstances apparaître comme une avenue défendable, ne parvient pas à mettre au jour les orientations esthétiques et les choix plastiques de l’artiste. D’ailleurs, on ne retrouve que quelques bribes des entretiens entre l’auteur et le créateur, le plus souvent des propos ­anecdotiques, ce qui limite considérablement la valorisation des positions du photographe, alors que l’on aurait aimé mieux connaître ses conceptions théoriques et ses positions esthétiques. De même, en ­choisissant de limiter « les souvenirs et discussions autour d’œuvres réalisées entre 1950 et 1964 », Hudon a considérablement réduit la portée du travail du photographe, même si effectivement cette période « correspond à une intense période d’apprentissage, d’expérimentation et de création » et précède « un exil de quelques années à Paris et à New York ». (p. 16) 

Signalons par ailleurs que les analyses des œuvres, qui se contentent trop souvent de n’être que des descriptions, ne mettent pas suffisamment en valeur les qualités plastiques du travail du photographe. Un travail plus élaboré à ce niveau aurait pu favoriser l’inscription de Borremans dans ­l’histoire de la photographie québécoise naissante ou encore de le situer dans les pratiques photographiques mondiales qui lui étaient alors contemporaines. De la même manière, il faut déplorer que la ­description du film La femme image soit plus longue que l’analyse qui lui est ­consacrée. Si, de toute évidence, l’ensemble du travail de l’artiste méritait beaucoup mieux, il ne reste qu’à espérer que cet ouvrage incite quelqu’un à reprendre le flambeau et qu’un éditeur sérieux relève le défi de présenter consciencieusement le travail de ce singulier photographe québécois. 

Guy Borremans, Pierre Rannou
Cet article parait également dans le numéro 64 - Déchets
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