Où tu vas quand tu dors en marchant… 2

Alain-Martin Richard
Carrefour international de théâtre, rues du quartier Saint-Roch, Québec
du 24 au 26 mai 2012
Cooke-SassevillePêche miraculeuse, 2012.
Photo : Sébastien Roy, permission du Carrefour international de théâtre, Québec
Carrefour international de théâtre, rues du quartier Saint-Roch, Québec
du 24 au 26 mai 2012
Depuis 2008, l’occupation et l’animation de la rue se sont amplifiées et font désormais partie de la dynamique urbaine. Ce deuxième parcours du Où tu vas... se réapproprie les non-lieux et les transforme en espaces intimes, où les promeneurs s’agglutinent par petits groupes devant les tableaux vivants. Ceux du jardin Saint-Roch ou ceux de la rue Fleurie proposent un parcours théâtral qui cède la place à l’art actuel dès qu’on s’engage sur la rue de la Chapelle.

Des bestioles humaines, accrochées au mur du stationnement du regretté cinéma Odéon, escaladent le mur, se rejoignent sur des corniches, s’interpellent. En projection sur la longueur du mur, des questions banales mais toujours essentielles : Qu’est-ce qui fait votre bonheur ? Qu’est-ce qui te donne de la force ? Qu’est-ce qui vous fait plaisir ? Le public est invité à texter les réponses qui seront intégrées dans la projection. Nichés de Christian Fontaine, conçue comme une installation interactive avec humains nichés sur des balcons, concentre en un seul regard une situation urbaine que l’on retrouve dans tous les quartiers populeux. Petit théâtre de balcons, comme une fresque animée qui n’aurait pas de profondeur. Mais ici la profondeur, paradoxalement, vient des projections. Il y a dès lors une communication directe entre ces voisins nichés au-dessus de la rue et les passants qui les alimentent de leurs réponses.

En pénétrant dans l’étroite rue Sainte-Marguerite, on tombe sur les hameçons surdimensionnés de Cooke-Sasseville. Il s’agit d’un immense jeu pour enfants aux couleurs vives et aux motifs amusants. Pour chaque hameçon, le leurre est emprunté à l’univers pop : un cochon, une moto, un satellite russe avec son cosmonaute, un fudge, une balle de golf… ou des porte-clefs. Assis au creux des hameçons suspendus au-dessus de nos têtes, des personnages nous haranguent avec conviction.

Enfin la rue Du Pont complète le parcours avec ses projections vidéo dans la lignée du docuthéâtre d’Alexandre Fecteau, en collaboration ici avec Marie Gignac. Des documentaires sur les personnages de la rue côtoient les vidéos de performances du Lieu et de la galerie Morgan Bridge. Puis, surgissant d’un centre de réadaptation au coin de la rue du Roi, une horde joyeuse s’élance dans la rue aux commandes de fauteuils roulants. L’étonnante bande occupe la chaussée dans une chorégraphie impeccable qui vole et virevolte, s’entrecroise, dessine des calligraphies… sans collision. C’est la sarabande des handicapés ; certains conduisent leur monture avec la bouche, d’autres, motorisés, du bout d’un bras paralysé, d’autres encore à coups d’avant-bras puissants. Étonnant spectacle libérateur pour ces personnes habituées à contourner les obstacles et à qui on a ici offert la rue comme terrain de jeu sans danger.

Alain-Martin Richard, Cooke-Sasseville
Cet article parait également dans le numéro 76 - L’idée de la peinture
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