NSK Electronic Consulate

Ariane Daoust
IRWIN en collaboration avec e-flux, New York,
inauguré le 12 décembre 2013
Soirée d’ouverture, IRWIN’s NSK Electronic Consulate e-flux New York, 2013.
photo : permission des artistes, © e-flux

La façade du 311, East Broadway, à Manhattan, où logent les bureaux de e-flux, arbore depuis le 12 décembre 2013 une plaque plutôt énigmatique du « NSK State in Time », rappelant esthétiquement le réalisme socialiste et le suprématisme. En effet, Anton Vidokle, fondateur de e-flux et depuis peu représentant consulaire de l’État temporel NSK à New York, inaugurait dans ses bureaux un consulat où il est maintenant possible de se procurer un passeport et de devenir citoyen de ce « premier état global dans l’univers ».

NSK (« Neue Slowenische Kunst », ou « Nouvel art slovène » en allemand) est une entité formée en 1984 à Ljubljana par trois collectifs d’artistes de la Slovénie : Laibach, groupe de musique expérimentale de notoriété internationale, la compagnie de théâtre Noordung et IRWIN, collectif actif dans le champ des arts visuels.

En proposant une œuvre complexe et exigeante, NSK juxtapose les symboles et les codes des mouvements d’art avant-gardiste, du nationalisme et du socialisme, mettant en échec les clichés verbaux et visuels qui étaient l’expression la plus forte de ces idéologies. Par l’appropriation, la répétition, l’analyse et la déconstruction de formes ou de situations, il procède à la création de nouvelles conditions, les vidant de leur densité idéologique.

Dans le contexte où la République fédérative socialiste de Yougoslavie commençait à s’éteindre – en réaction aux changements politiques radicaux en Europe de l’Est, mais aussi pour établir la communication avec des milieux d’art alternatif à l’échelle internationale –, le Neue Slowenische Kunst a pris la forme d’une nation virtuelle. C’est alors qu’est né l’État NSK dans le Temps, « un organisme abstrait, un corps suprématiste, installé dans l’espace réel socio-politique [qui] ne confère pas le statut d’état à un territoire physique, mais à l’esprit dont les limites fluctuent en accord avec les mouvements et les changements de son corps collectif, symbolique et physique » (www.passport.nsk.si/fr/).

Après plus de 20 ans d’existence, dans un tout autre contexte et indépendamment de ses créateurs, l’État temporel NSK continue de se développer par lui-même, sans gouvernement formel ni comité, uniquement grâce à des citoyens et des exécutants qui s’assurent de son bon fonctionnement sur le plan technique. À l’encontre d’une politique sélective, l’État NSK permet à tous de devenir citoyens en délivrant sans condition – indifféremment des origines ethniques, des races, des nationalités, des orientations sexuelles ou des croyances – des passeports officiels. Les ambassades et les consulats, tout comme les citoyens, se multiplient mystérieusement à la manière d’un parasite. À la fois véritable nation virtuelle et projet d’art subversif qui critique différentes notions telles que la citoyenneté ou les frontières, l’État NSK dans le Temps se répand comme un virus bénéfique aux quatre coins du monde.

Ariane Daoust
Ariane Daoust
Cet article parait également dans le numéro 81 - Avoir 30 ans
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