Myriam Yates

Manon Tourigny
Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s, Sherbrooke,
du 11 septembre au 14 décembre 2013
Myriam Yates,
Mirage, capture vidéo, 2013.
Photo : permission de l’artiste

À l’ère de l’obsolescence programmée des objets de consommation, le regard que pose Myriam Yates sur certains lieux urbains en friche agit tel un miroir sur le sort que leur réservent parfois les autorités. C’est le cas, par exemple, de l’intérêt de l’artiste pour le site de l’Exposition universelle de 1967. Cet événement d’envergure internationale fut un moment porteur pour le Québec, qui s’ouvrait sur le monde mais également sur les formes les plus novatrices du design et de l’architecture. De nos jours, la plupart des pavillons ont été abandonnés, faute d’entretien. Le corpus d’œuvres développé par Yates depuis 2005 s’attache donc, en partie, à documenter ces lieux voués à la disparition. Souvent présentés sous forme de diptyques, ses films et vidéos construisent des récits où se croisent, en parallèle, personnages et lieux. La commissaire Vicky Chainey Gagnon s’est particulièrement intéressée aux œuvres documentant l’hippodrome de Montréal, dont les activités ont cessé en 2009.

La présentation des quatre œuvres de cette série permet la mise en perspective de cette recherche qui documente la désuétude de certains lieux qui ont fait les beaux jours de Montréal. Ce parcours, non chronologique, débute par A space between mirrors (2010). L’artiste a filmé le restaurant Le Centaure de l’hippodrome, à l’abandon dans un lieu en désolation. Le diptyque Amphithéâtre (2010) oppose deux points de vue sur un événement : les estrades vides de l’hippodrome et un cheval qui reçoit des soins dans sa stalle. L’artiste filme la dernière course de chevaux, qui vient marquer d’un trait la fin d’une époque. Racetrack Superstar Ghost (2011) évoque la renaissance éphémère du lieu par la grandiloquence des moyens déployés par le groupe irlandais U2 lors de son passage. La caméra de Yates devient un œil extérieur qui surveille la mise en place du spectacle jusqu’à sa présentation publique. Le bâtiment de l’hippodrome reste en retrait, tel un spectre, à l’ombre de l’événement. Occupants (2005), premier opus de cette série, met en scène des individus qui tentent de retrouver le fil de l’histoire du lieu.

Plus en retrait, Mirage (2013) annonce un virage dans la démarche de Myriam Yates. Alors que les œuvres précédentes utilisaient des plans séquences ou fixes, elle expérimente ici le mouvement dans l’architecture. Une maquette inspirée des Structures de Sol LeWitt, installée sur le toit d’une voiture en mouvement, permet à l’artiste d’explorer une certaine perte de contrôle sur le résultat final des images, voire même d’introduire une certaine performativité dans le tournage. Sur le site de l’aéroport de Mirabel, cette œuvre poursuit le questionnement de l’artiste sur l’abandon de certains sites et devient une métaphore sur la vitesse à laquelle ceux-ci surgissent dans le paysage pour ensuite s’éteindre et disparaître de notre mémoire collective.

Manon Tourigny, Myriam Yates
Cet article parait également dans le numéro 80 - Rénovation
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