Jonathan Mayer, Les échos du Refus global

Pierre Rannou
Montréal, Les éditions Michel Brûlé, 2008, 244 p.

Cet ouvrage est un des trop rares efforts visant à souligner le soixantième anniversaire de Refus global. Considérant que « les artistes jouent un rôle indispensable dans nos sociétés démocratiques » et qu’ils « ont des opinions et des vues très atypiques sur le monde politique », Jonathan Mayer a réalisé une série d’entretiens avec des personnalités issues du domaine des arts et des industries culturelles afin de donner à voir comment le texte écrit par Borduas peut encore nous servir pour analyser la société actuelle et nous inciter à l’action. On comprendra facilement toute l’importance que représente le choix des personnalités interviewées dans une telle entreprise. Sur la liste des gens rencontrés par Mayer pour son ouvrage Les échos du Refus Global, on retrouve certains des signataires du manifeste de 1948 (Marcel Barbeau, Pierre Gauvreau et Françoise Sullivan) et leur conjointe (Ninon Gauthier et Janine Carreau). Si cette sélection apparaît très logique, celle des autres personnalités retenues pour l’exercice (Biz de Loco Locass, Tania Kontoyanni, Hélène Pedneault, Lorraine Pintal, Raôul Duguay, Yvon Deschamps, Christian Vanasse et Isabelle Blais) peut parfois surprendre et paraître plus discutable. Bien que l’auteur précise que « les artistes choisis l’ont été pour l’éloquence, la profondeur et la pertinence de leurs réflexions, pour l’effet mobilisateur que pourraient générer leur discours sur les citoyens qui négligent actuellement leur devoir démocratique. », on a néanmoins l’impression que certains choix reposent aussi sur la visibilité médiatique de certaines de ces personnalités. 

Afin d’organiser les entretiens et construire une certaine forme d’unité, l’auteur a imposé aux intervenants quelques pistes de réflexion. Cette idée, qui visait à permettre aux artistes de livrer leur lecture du manifeste et de proposer leur vision de la société actuelle, n’est pourtant pas des plus heureuses. Certes, les questions abordées sont importantes, mais les réponses des intervenants n’ont pas toutes le même intérêt et certains des propos sont carrément banals et ne dépassent pas les lieux communs. De plus, l’organisation de l’ouvrage, qui découpe les entretiens en petites tranches afin de les faire dialoguer entre eux, n’est pas une formule réellement satisfaisante. On perd ainsi le fil conducteur de la pensée des interviewés, réduite ainsi à donner corps au message de l’auteur, qui s’articule autours de trois thèmes « se réveiller, contester et réinventer », qui sont, selon lui, les étapes obligées pour une véritable libération, projet que l’ouvrage aimerait bien ramener à l’avant plan de l’actualité québécoise. D’ailleurs, à la fin de la conclusion, on invite le lecteur « à poursuivre cette réflexion » en allant discuter sur le site Internet créer à cette fin. S’il ne s’agit pas d’un ouvrage indispensable, reconnaissons qu’il tente au moins d’actualiser la lecture du Refus Global, qu’il reproduit en annexe.

Pierre Rannou
Cet article parait également dans le numéro 66 - Disparition
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