Jayne Wark, Radical Gestures : Feminism and Performance Art in North America

Denis Lessard
Jayne Wark, Radical Gestures : Feminism and Performance Art in North America, Montréal et Kingston (Ontario), McGill-Queen’s University Press, 2006.

L’historienne de l’art Jayne Wark propose une recherche extrêmement fouillée – comme en témoigne la riche bibliographie qui clôt l’ouvrage – sur l’impact et la persistance de la conscience féministe dans le contexte des arts visuels, et plus spécifiquement de la performance, aux État-Unis et au Canada depuis la fin des années 1960. L’auteure adopte une définition large et nuancée du féminisme en lien avec le politique et traite des pratiques performatives ayant contribué à faire émerger une conscience féministe par le biais de l’art.

Ce livre, dont le propos est beaucoup plus ciblé, vient élargir la perspective offerte par Caught in the Act, une anthologie publiée récemment sur les performeuses canadiennes dirigée par Tanya Mars et Johanna Householder et constituée de textes de fond, de brèves analyses et d’interviews (YYZ Books, 2004).

L’introduction de Radical Gestures trace méthodiquement le programme du livre, qui débute par un exposé sur l’émergence de la politique radicale et des mouvements sociaux en Amérique du Nord au cours des années 1960 et 1970 (chapitre 1), pour ensuite se poursuivre avec les origines et le développement de l’art féministe des débuts (chapitre 2) et l’articulation des objectifs politiques dans les premières performances féministes (chapitre 3). La pratique de la performance féministe depuis les années 1970 est ensuite envisagée selon trois grandes thématiques : les formes de l’autobiographie et du récit (chapitre 4), le concept théorique de « performativité » (chapitre 5), et finalement le corps et ses représentations (chapitre 6). Selon l’auteure, cette approche a le mérite d’apporter des nuances sur la pratique féministe de la performance des années 1970 en formant une continuité avec ses développements ultérieurs, au-delà de la pensée essentialiste qui a pu la dominer stratégiquement à l’époque.

Devant un cadre d’analyse aussi rigoureux, on peut cependant s’interroger sur la faible représentation du Québec. On ne s’attarde ainsi qu’à une seule artiste d’ici, tout en mentionnant brièvement un jeune collectif québécois dans la conclusion. Statistiquement parlant, l’anthologie Caught in the Actcomptait pour sa part six performeuses québécoises sur un total de 36 artistes et collectifs. Au-delà des barrières linguistiques et culturelles, la recherche de Radical Gestures aurait pu bénéficier de la lecture toute particulière du féminisme chez plusieurs autres performeuses québécoises. À ce jour, l’activité performative féministe amorcée au Québec à compter du début des années 1970 n’est que très partiellement documentée dans des publications telles que Traces (Réseau Art-Femmes, v. 1982), Art et féminisme (Musée d’art contemporain, 1982), Féministe toi-même, féministe quand même (La Chambre blanche, 1984), Performances + Artefacts (Galerie d’art du collège Édouard-Montpetit, 1989), Instabili. La question du sujet (La Centrale et les Éditions Artextes, 1990) et Performance au/in Canada 1970-1990 (Éditions Intervention et Coach House Press, 1991). On peut d’ailleurs se poser la question suivante : À quand une ou même plusieurs histoires exhaustives de la performance au Québec ?

Denis Lessard
Cet article parait également dans le numéro 60 - Canular
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