Harvest of Memories: Mexican Days of the Dead

Vivian Ralickas
Gardiner Museum, Toronto,
du 3 octobre 2008 au 18 janvier 2009
Trois sculpteurs sur bois de Oaxaca The Procession, 2008.
photo : Antonio Tan, permission Gardiner Museum

L’exposition Harvest of Memories: Mexican Days of the Dead [Moisson de souvenirs : La Fête des Morts au Mexique], dirigée par Diane Wolfe, au musée Gardiner, invite le visiteur à séjourner dans l’imaginaire mexicain en présentant des oeuvres portant sur un aspect qui lui est fondamental : celui de la Fête des Morts. Contrairement à la mélancolie qu’on associe habituellement au deuil, les pratiques artistiques mexicaines présentées par l’expo affirment la vie par leur commémoration carnavalesque de la mort et des ancêtres décédés, ceux-ci occupant non seulement une place centrale au sein des activités communautaires durant ces deux jours mais aussi, dit-on, y « participant ». Soulignant un fort aspect religieux à mi-chemin entre le catholicisme et les traditions autochtones du Mexique, Harvest of Memories communique donc une vision holistique de la vie qui s’inscrit dans les cycles de la nature.

Du côté religieux, l’imposant autel construit par Eugenio Estaquio – exemple colossal du type de monument commissionné par les familles en deuil pour fêter un prédécesseur décédé –, dément l’ironie nihiliste souvent associée aux objets banals produits en masse qui lui servent de décoration, tels que les petites étoiles dorées, les images d’ange en papier carton, les fleurs en plastique ou même l’étoffe blanche de satin polyester qui le recouvre. La dimension à la fois performative et cérémoniale de l’autel offre ainsi une synthèse unifiant le côté populaire kitsch mis en évidence par ces éléments visuels à une longue tradition culturelle essentielle à l’identité mexicaine : de même que la mort retrouve sa place dans la vie durant cet anniversaire des défunts, le passé s’intègre à la modernité.

Par ailleurs, les statues de la famille Linares et les jouets montrent un grand degré d’humour carnavalesque de la part de leurs créateurs et de la culture d’où ces oeuvres proviennent. Peints de couleurs vibrantes contrastant fortement avec le blanc grinçant de leurs os d’une minceur troublante qui, en juxtaposition à leurs proportions anthropomorphiques, provoquent un choc visuel, les hommes-squelette taillés en papier mâché parodient les activités des vivants lors de la récolte. Les jouets en bois multicolores, munis de mécanismes rudimentaires, font écho à la tradition visuelle liée à la danse macabre médiévale et l’humour noir qui l’accompagne. Toutefois, les céramiques brunies de Carlomagno Pedro Martínez, dont le reflet métallique confère un ton féerique à l’ensemble, soulignent la fragilité de la limite qui sépare la vie de la mort : vues de loin, les pièces présentent un regroupement de paysans ; de près, on voit qu’il s’agit d’un rassemblement de morts.

Enfin, la série photographique de Vincenzo Pietropaolo, illustrant la vie des cultivateurs mexicains qui travaillent au Canada durant la saison de la récolte, « laboureurs invisibles » essentiels à notre production agricole, évoque le rapprochement entre nos peuples.

Vivian Ralickas
Cet article parait également dans le numéro 65 - Fragile
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