Bigminis. Fétiches de crises
du 19 novembre 2010 au 27 février 2011

Photo : permission des artistes
du 19 novembre 2010 au 27 février 2011
La Bordeaux Block Party (BBP) est l’occasion pour le public de faire étape dans plusieurs lieux de la ville dédiés à l’art contemporain, dont la galerie Eponyme qui représente actuellement en France les artistes québécois Mathieu Beauséjour et Pascal Grandmaison. Le parcours de visite mis en place lors de la dernière édition de la BBP le 18 novembre dernier s’achève au Musée d’art contemporain de Bordeaux où est inaugurée l’exposition Bigminis. Fétiches de crises. Elle réunit les œuvres d’une cinquantaine d’artistes parmi lesquelles comptent entre autres un Tableau de poche de Picabia, une reproduction miniature de La mariée de Duchamp, la Mini Wrong Gallery de Cattelan ou encore des accumulations d’objets, Dream Object, réalisées par Jim Shaw, à qui le CAPC consacrait sa dernière rétrospective.
Bigminis propose une réflexion autour du désir singulier, presque cleptomane, que suscite l’objet miniaturisé, et ce, à l’heure d’une récession dont il se fait le symptôme. Anticipation ou bien reflet de crise, l’objet réduit révèle une dynamique de production autre par le biais d’un corpus d’œuvres dont les dimensions matérielles ne font pas systématiquement état de la portée du message qu’elles délivrent : de petites œuvres habitées par de grandes idées confrontées à des grands formats à la signification restreinte, tel était le souhait d’Alexis Vaillant, commissaire de l’exposition. Ainsi, certaines de ces « petites » œuvres frappent par la force de leur discours, comme la saynète incisive de Daniel MacDonald, Forced To Sell Artwork From Personal Collection In Order To Offset Living Expenses, qui évoque avec un humour certain et du haut de ses trente centimètres une situation économique qui inquiète. A contrario, l’imposante toile Llareggub, de Richard Wathen, offre le spectacle aux teintes acidulées d’une scène animalière étrangement désincarnée.
Le visiteur est invité à éprouver son sens de l’observation depuis le ras du sol jusqu’au sommet des cimaises, plongé dans un dédale peuplé de socles et de cloches de verre au sein duquel l’œil se trouve sollicité de toute part quand chaque déplacement requiert la plus grande prudence. Cette scénographie aux allures « post-Tetris » répond au défi d’agencement et de conservation exigé par ces petits objets de convoitise, dont seul le regard peut espérer s’emparer. Pill Cup, la plus petite pièce de Bigminis, mesure à peine sept millimètres de haut, sculptée par les doigts de fée et la lime à ongles des artistes japonaises Akiko et Masako Takada. Cette minuscule tasse immaculée façonnée à partir d’une gélule de médicament sur laquelle le moindre contact prolongé entrainerait une détérioration fait office d’emblème de la dualité qui se joue vis-à-vis de ces minimondes dont le pouvoir d’attraction n’a d’égal que la fragilité. L’exposition comporte même une œuvre cachée tandis qu’une autre s’étale sur toute la surface de son parcours : un petit bijou disséminé à reconstituer perle par perle. Autant d’infraexpériences pour une attention renouvelée et un regard réajusté.