Que se trame-t-il dans nos têtes lorsque s’élabore une théorie ? Répondant à un ami qui lui demandait en quoi consistait une conférence à venir, Anne Cauquelin réalise soudain qu’elle est en train d’en décrire le contenu comme s’il s’agissait d’une « machine ». À partir de cette pensée fortuite, elle décide d’enquêter. Dans la petite mécanique qui se met en place, parfois à son insu, plusieurs éléments que l’on trouve déjà dans la pensée présocratique apparaissent d’emblée : les fragments que la théorie assemble pour parvenir à faire un tout, les enchainements qui les lient, les savoirs multiples qui permettent de les sélectionner. Ses machines théoriques ne sont cependant pas des produits finis : elles ont la particularité de se réadapter à chaque commentaire ou interprétation et appartiennent donc de fait à un monde de machines possibles qui dépend d’un réservoir de fragments et d’enchainements communs. Prenant l’exemple de la « machine théorique » de la postmodernité, l’auteure pense que celle-ci mériterait d’être analysée, non seulement dans la rupture avec les « grands récits », mais davantage dans sa continuité avec ceux-ci, dans les rapports qu’elle entretient avec eux. « Il y a bien, malgré l’obsolescence affichée, et sous les activités visibles des paradigmes postmodernes, une activité théorique à demi voilée et qui fonctionne à couvert d’ignorance que j’appelle “machine dans la tête”. » Finalement, ce sont surtout les restes qui intéressent Cauquelin, les scories que les grandes théories laissent de côté.

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