11e Biennale de Lyon 

Vanessa Morisset
Sucrière, Musée d’Art Contemporain de Lyon, Usine T.A.S.E et Fondation Bullukian,
du 15 septembre au 31 décembre 2011
Eduardo Basualdo Le silence des Sirènes, Biennale de Lyon, 2011.
photo : Blaise Adilon, permission de l'artiste et de la 11e Biennale de Lyon
Remarquable projet que celui de Victoria Noorthoorn pour la Biennale de Lyon : la commissaire argentine a souhaité exposer un grand nombre d’artistes ayant des origines géographiques et culturelles très diverses, tout en fédérant leurs oeuvres grâce à un titre savamment choisi. Tiré d’un vers de Yeats exprimant la perplexité du poète face à son époque, il invite à s’interroger sur l’état du monde aujourd’hui. 

Le grand bassin d’Eduardo Basualdo (Sucrière), artiste travaillant à Buenos Aires, confère à l’exposition un sentiment d’inquiétude empreint de mélancolie. Un va-et-vient d’eau noire virant au rouge qui le remplit périodiquement laisse imaginer les conséquences d’une collision de la Lune avec notre planète : désormais cette eau noire y règnerait en maître.

De même, les oeuvres de l’artiste dublinois Garrett Phelan sont mélancoliques à leur façon. Ses Radio tombs (Sucrière), des stèles dans lesquelles sont enfermées des radios diffusant tout bas leur program-mation, ses dessins à l’encre proches de l’esthétique punk et la peinture noire pulvérisée dans l’escalier du MAC comme s’il y avait eu un incendie, nous plongent dans une réflexion quasi métaphysique sur l’existence.

Les dessins de poupées de Virginia Chihota (MAC), sur des pages de cahier arrachées, contiennent aussi une part dramatique. La fragilité de leur trait exprime la vulnérabilité de ces objets que l’artiste zimba-bwéenne a choisis comme métaphores de la femme violentée. Tristesse, poésie, mais aussi détermination à témoigner à la place de celles qui ne le peuvent pas, se trouvent réunies dans ces dessins.

En revanche, le résultat de la Biennale est parfois moins convain-cant. L’accrochage du rez-de-chaussée de la Sucrière est notamment très pesant. Après avoir franchi les rideaux de papier de Ulla von Brandenburg qui dramatisent l’espace et aiguisent la curiosité, on peut voir tour à tour plusieurs oeuvres qui, ensemble, créent un climat de malaise. Dans l’installation monumentale de Laura Lima, Puxador (1998-2011), parabole de l’absurde, un homme nu qui tire de longues sangles attachées aux piliers du bâtiment nous communique son désespoir. Puis discret, mais tout aussi saisissant, l’animal en cage de Michal Huisman, N° 84 (Document 2000 Hiroshima) (2000), mi-peluche, mi-martyre, nous arracherait des larmes. Enfin, la vidéo San Pedro V (2005), de Tracey Rose, artiste sud- africaine travaillant par ailleurs sur des thèmes passionnants, finit de nous enfoncer dans un voyeurisme difficilement supportable. On y voit l’artiste, le corps nu peint en rose, dans un contexte que les images permettent mal d’identifier (le cartel nous apprend qu’il s’agit d’une performance filmée en Israël), uriner en gros plan.

Dans son ensemble, la Biennale de Lyon n’est pas toujours à la hau-teur de ses ambitions mais conserve le mérite de focaliser notre attention sur le présent, et le futur proche qu’il nous réserve.

Eduardo Basualdo, Garrett Phelan, Vanessa Morisset, Virginia Chihota
Cet article parait également dans le numéro 74 - Savoir-faire
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