
Photo : Liquid Motion Film, permission de l'artiste
Blue de Laura Magnusson : une archive somatique de la douleur
La spécialiste en littérature Elaine Scarry évoque la nature (parfois) inexprimable de la douleur : « Quand on entend parler de la douleur physique de l’autre, ce qui se déroule à l’intérieur du corps de cette personne peut sembler avoir le caractère distant d’un fait souterrain profond appartenant à une géographie invisible qui, bien qu’inquiétante, n’est par réelle, car elle ne s’est pas encore manifestée à la surface visible de la Terre1 1 - Elaine Scarry, The Body in Pain: The Making and Unmaking of the World, Oxford, Oxford University Press, 1985, p. 3. [Trad. libre]. » Blue (2019), une œuvre de 14 minutes composée d’images en mouvement, nous invite à plonger en profondeur dans la douleur complexe et multifacette qui résulte de la violence sexuelle2 2 - Laura Magnusson, <lauramagnusson.com>.. Souterraine au plus haut point, une telle douleur persiste dans le corps tout comme dans l’esprit. L’œuvre, née d’un désir d’exprimer ce que Magnusson n’était pas autorisée à raconter au tribunal, se révèle un témoignage incarné de l’expérience traumatisante qu’elle a vécue. En faisant de son corps une archive somatique et en le positionnant dans un environnement aquatique, Magnusson présente une reconfiguration spatiotemporelle du traumatisme sexuel et de la douleur persistante à partir de laquelle elle élabore un langage pour ce qui ne peut être exprimé autrement.