
Pas de repos pour les braves
L’artiste vancouvéroise Hazel Meyer place les sports d’équipe au centre de ses projets d’installation et de performance. Muscle Panic, remarquable série en cours depuis 2014, est en partie une installation constituée d’objets et d’équipements sportifs modifiés, en partie un entrainement de groupe. Depuis sa première mouture, le projet a été repris en de nombreux endroits : grange abandonnée (Muscle Panic, 2014), ancien garage devenu galerie (Muscle Panic: garage, 2015), étroit couloir d’un vestiaire (Muscle Panic, 2015), galerie des grands maitres hollandais du Musée des beaux-arts de l’Ontario (Muscle Panic: Dutch Masters House, 2017). À chaque reprise, Meyers embauche sur place les performeuses et performeurs, qui sont « des artistes, des athlètes et des activistes femmes, trans ou non binaires1 1 - Josh Inocéncio, « Muscle Panic: Interdisciplinary Artist Fuses Sports, Queerness at Art League Houston », Spectrum South, 23 février 2018, accessible en ligne. [Trad. libre] ». Elle les invite à participer à un programme d’entrainement en équipe (parties de minibasketball, échauffements, courses…) qui se déroule dans l’installation même ou autour du lieu d’exposition. Après la performance, Meyer ramasse les vêtements et l’équipement trempés de la sueur des artistes et les intègre aux versions subséquentes du projet, souvent en les empilant – monticule lourdement chargé de significations corporelles. Ainsi enrobées, par couches, de symbolisme, les installations de Meyer substituent aux corps queers les appareils, les équipements et les constructions qu’elle adapte et retravaille. Ses échafaudages viennent étayer l’architecture des lieux, intervenant littéralement dans la structure de codes et de règles dont ces édifices sont des manifestations. En effet, si les architectes modernistes essayaient de créer des lieux capables d’améliorer les conditions de vie et de favoriser le bienêtre de la société, l’architecture en général, après s’être approprié cette responsabilité, a eu tendance à renforcer par sa pratique les conventions sociopolitiques plutôt qu’à les remettre en question. La réitération de Muscle Panic en des lieux de formes et de fonctions variées met en évidence les ressemblances entre l’architecture et le spectacle du sport organisé.