Corpus insolite : Jana Sterbak

Lors de la conférence de presse, Jana Sterbak racontait avec simplicité comment la Robe avait été confectionnée la veille, là, dans la salle d’exposition du Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal, sous la supervision de celui qui en maitrise le savoir-faire, depuis des années, le restaurateur Richard Gagnier. Créée en 1987, et révélée au public pour la première fois à la galerie René Blouin, Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique avait soulevé la controverse et fait couler beaucoup d’encre lors de sa présentation au Musée des beaux-arts du Canada en 19911 1  - Dans l’analyse de cette controverse, Johanne Lamoureux met en relief le rôle joué par le contexte dans la réception détractrice de l’œuvre. Sterbak avait été accusée, entre autres, de gaspillage alimentaire avec son usage de la viande crue. « Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique / Vanitas: Flesh Dress for an Albino Anorectic ». Espace Sculpture no 51 (2000) : 14–17.. Bien que cette époque semble lointaine et que, à ce jour, aucun scandale n’est survenu, l’œuvre désormais iconique n’a rien perdu de son pouvoir de fascination. Si un public nouveau en fait la découverte, ou réalise qu’elle n’est pas l’idée d’une chanteuse populaire, le contexte pour le moins remarquable de sa réexposition ouvre sur des perspectives d’appréciation stimulantes qui font événement.

Il s’agit en effet d’un premier solo d’envergure, rétrospectif, depuis des lustres pour celle qui, en 2003, représentait le Canada à la Biennale de Venise. C’est aussi la première fois que l’art contemporain fait incursion dans le Musée des Hospitalières qui a ouvert ses portes à l’artiste ainsi qu’à la commissaire Johanne Sloan. Elles ont concocté un parcours mettant en dialogue les objets médicaux, historiques et d’art religieux des collections² 2 - Le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal gère la collection des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph ainsi que sa propre collection. avec le travail de Sterbak. D’une part, dans l’exposition temporaire, les œuvres de l’artiste sont à l’avant-plan tandis qu’elles sont dissimulées dans les salles d’exposition permanente. Les collections recèlent au demeurant de véritables trésors mis en lumière par le duo artiste-commissaire, avec l’aide de la responsable de la recherche et de la conservation Judith Houde, qui les ont dénichés dans la réserve. D’ailleurs, certains objets n’ont jamais été montrés auparavant. Exceptionnelle, la rencontre génère un éclairage réciproque entre l’œuvre de l’artiste de renom et les collections du Musée, des mondes étroitement liés.