Shannon Finnegan Anti-Stairs Club Lounge at Wassaic Project, Wassaic, 2017-2018.
Photo : Verónica González Mayoral, permission de l’artiste

Réinventer l’étrangeté : Shannon Finnegan ou revendiquer des avenirs pour les personnes handicapées

Charlotte Jacob-Maguire
La notion même de « futurité » soulève deux questions simples : Quel avenir ? et pour qui ? À l’instar des théoriciens queers et pour des raisons analogues, les artistes, les activistes et les intellectuels handicapés manifestent du scepticisme envers l’avenir. Leurs discours respectifs convergent vers une même conclusion : il vaudrait mieux rejeter l’idée d’avenir puisque la futurité implique forcément une normativité fondée sur la reproduction, la croissance et le progrès.

En effet, il n’est pas possible de « concevoir l’avenir sans la figure de l’Enfant1 1 - Lee Edelman, No Future: Queer Theory and the Death Drive, Durham, Duke University Press, 2004, p. 11. [Trad. libre] ». Comme l’explique l’autrice féministe Alison Kafer, la futurité ne se déploie normativement que lorsqu’elle perpétue l’état de pleine possession de ses capacités physiques et mentales2 2 - Alison Kafer, Feminist, Queer, Crip, Bloomington, Indiana University Press, 2013.. Considérant que ce ne sont habituellement que des personnes non handicapées qui peuvent y prétendre, l’œuvre de Shannon Finnegan est d’autant importante qu’elle propose des théories sur le temps et des avenirs possibles pour les personnes handicapées, dont cette artiste soutient aussi la cause. Bien ancrées dans les concepts de « temporalité du handicap » et de « temps crip3 3 - Le terme crip est dérivé du mot anglais cripple, qui peut se traduire en français par « infirme » ou « éclopé ». Englobant un vaste éventail d’incapacités d’ordre physique et mental, il reflète une volonté politique, au sein du mouvement contemporain pour les droits des personnes handicapées, de se réapproprier un mot à connotation péjorative, à l’instar du mot queer pour la communauté LGBTQ. Crip est un terme par lequel les personnes handicapées s’identifient et doit être utilisé avec circonspection par les personnes non handicapées. », ses oeuvres Anti-Stairs Club Lounge at “Vessel”, Anti-Stairs Club Lounge at Wassaic Project et Do you want us here or not, ou Museum Benches, nous obligent en effet à entrevoir la possibilité d’un avenir autre.

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Cet article parait également dans le numéro 100 - Futurité
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