Mandiberg_PrintWikipedia
Michael Mandiberg ART, from Print Wikipedia, 2015.
Photo : permission de l'artiste & Denny Gallery, New York

Wikipédia fait dans la démesure et les chiffres peinent à en rendre compte. Que signifie vraiment le fait d’accueillir chaque mois 374 millions de visiteurs, ou d’être l’objet de dix modifications par seconde ? Voilà une base de données qui ne correspond pas à notre façon habituelle de percevoir les choses et de les mesurer. On ne peut la soupeser comme un livre à la bibliothèque ni comparer le nombre de pages consacrées à certaines entrées pour en jauger rapidement la valeur. Même pour les férus de code, la quantité d’information contenue dans Wikipédia échappe à toute représentation. Le projet Print Wikipedia (2015) de Michael Mandiberg tente de lui donner une forme matérielle. L’artiste a mis au point un logiciel permettant de télécharger la totalité du contenu en langue anglaise et de transformer celui-ci en livres reliés – 7600 volumes de 700 pages. La table des matières, qui recense 11,5 millions d’articles, remplit à elle seule les 91 premiers volumes ; l’index en fait 36 avec sa liste de 7,5 millions de collaborateurs. Lors des expositions, la galerie se transforme en bibliothèque (From Aaaaa! to ZZZap!, Denny Gallery, New York, juin-juillet 2015) : ses murs sont tapissés d’étagères combles, du moins en apparence… En réalité, seulement 106 livres ont été imprimés ; les autres ne sont que du papier peint – littéralement. Toute personne peut commander un volume imprimé pour la somme de 80 $ via le site web Lulu.com. Or dès le moment de son impression, le volume est déjà obsolète, car les sujets varient à l’infini et le contenu de chaque rubrique fait constamment l’objet de révisions. Il ne peut donc jamais prétendre à l’immuabilité sacrée du « savoir établi » associé aux encyclopédies traditionnelles. Print Wikipédia illustre le terrain instable sur lequel repose l’épistémologie contemporaine : toute affirmation peut être mise en doute par n’importe qui à tout moment. Toutefois, l’impression papier interrompt le flot de l’information ; d’« actualité en direct », celle-ci se transforme en « vieille nouvelle » à la vitesse de l’algorithme qui commande le téléchargement des données et de l’imprimante qui les crache.

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Cet article parait également dans le numéro 89 - Bibliothèque
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