Martin Bureau

Même s’il y est peu montré comme tel, le conflit hante l’&oelig;uvre entière de Martin Bureau, tapi au c&oelig;ur des multiples crises et dysfonctionnements du monde qu’examine l’artiste dans ses tableaux et vidéos. Les murs du désordre, série vidéographique récente, abordent justement l’une des manifestations les plus prégnantes du conflit aujourd’hui : les murs dits « de séparation » qui se dressent un peu partout sur la planète. La caméra de Bureau donne à voir et à entendre la réalité vécue près de trois de ces murs emblématiques : celui séparant catholiques et protestants à Belfast, celui qu’érige Israël pour marquer et enclaver les territoires palestiniens, celui que veut édifier l’administration Trump pour endiguer le soi-disant flot des migrants et clandestins se pressant à la frontière mexicaine. Exposé à l’hiver 2019 dans une installation éponyme à la Cinémathèque québécoise, le travail révélait toute son actualité alors que sévissait le shutdown du gouvernement américain dû à l’impasse des négociations entre Trump et le Congrès pour financer ce mur. Travellings, gros plans, paysages sonores et témoignages de riverains alternent pour montrer combien ces lourdes infrastructures, balafrant et découpant territoires et villes, loin de protéger ou prévenir les affrontements, installent plutôt le conflit à demeure en pérennisant des lignes de fracture, en attisant ressentiment ou peur de l’autre. Les énormes buchers en forme de tours de Babel de Bonfires en offrent une saisissante illustration. Même tension dans Le principe de la neutralité, tableaux où d’inquiétants bunkers se greffent aux sièges sociaux de grandes entreprises pharmaceutiques suisses. Dystopie architecturale qui met au jour la crainte de l’ennemi inhérente au néolibéralisme achevé, crainte qui s’impose jusque dans cette Suisse prospère que la neutralité devrait pourtant épargner de toute guerre… La juxtaposition de motifs contrastants régissant cette série constitue un ressort clé de toute l’&oelig;uvre de Bureau, dissonance faisant grincer l’image et lui donnant sa virulence si particulière. Celle-ci ne tient pas seulement aux sujets abordés : elle imprègne la matière même des tableaux, auxquels leur âpre surface, comme rongée ou corrodée, donne l’allure d’artéfacts postcataclysmiques, survivants du futur nous annonçant la catastrophe et la ruine du présent. Martin BureauLes Bonfires de Belfast, captures vidéos tirées du court métrage Bonfires, faisant partie du project interdisciplinaire Les murs du désordre | video stills from the short film Bonfires, part of the multidisciplinary project Les murs du désordre, 2019.Photos : permission de l’artiste | courtesy of the artist Martin Bureau, Patrice Loubier

Martin Bureau

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