Lacotte_Guard
Laurent Lacotte Guard, 2015.
Photo : permission de l’artiste

Réalisées depuis le début des années 2010, les interventions et photographies de Laurent Lacotte dans l’espace public expriment un engagement politique fort à travers des gestes furtifs, éphémères, antimonumentaux, s’attaquant à des signes de dysfonctionnement de nos sociétés contemporaines, parfois même à des symboles censés être, pour reprendre le vocabulaire de l’historien Pierre Nora, des « lieux de mémoires », c’est-à-dire des lieux où une histoire commune fédère une nation. Dans les actions qu’il effectue et les détails qu’il observe, l’artiste remet en question le maintien de cette cohésion, attirant l’attention en particulier sur des situations où un esprit démocratique affiché n’est en réalité pas respecté. C’est le cas de l’hospitalité. À l’instar de Jacques Derrida, qui interrogeait la définition de la démocratie à l’aune de cette notion, Lacotte, dans nombre de ses œuvres, montre avec humour mais détermination combien les sociétés occidentales négligent le lien entre démocratie et hospitalité, lien pourtant rappelé notamment dans la devise de la République française par la notion voisine de fraternité, associée à la liberté et à l’égalité. C’est pourquoi dans quelques-unes de ses œuvres les trois couleurs du drapeau français sont présentes, sur un mode ironique, au même titre qu’un autre symbole de liberté et d’accueil, lui aussi puissant mais sujet à caution, la statue de la Liberté. Car s’ils sont de l’ordre de l’inframince, les gestes de Lacotte n’en sont pas moins efficaces et percutants, à même d’interpeler les promeneurs, qui souvent les remarquent sans savoir qu’ils relèvent d’une démarche artistique, leur fonction étant de provoquer les réflexions et les discussions là où elles ont disparu. Dans ce sens, ses œuvres peuvent être interprétées par le biais du concept de « sculpture sociale » inventé par Joseph Beuys, des œuvres qui invitent à amorcer des analyses collectives sur des problèmes qui affectent la société dans son entier. Ainsi, Lacotte se place dans la lignée des artistes activistes en déplaçant le mode opératoire de leurs interventions pour les adapter au contexte d’aujourd’hui, des grands récits vers des actions simples, souvent drôles et poétiques, mais tout autant implacables.

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Cet article parait également dans le numéro 92 - Démocratie
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