Clare Samuel

Depuis quelques années, Clare Samuel, artiste installée à Tkaronto/Toronto, est aux prises avec la relation complexe qui la lie à sa famille, à sa parenté, ainsi qu’à son Irlande du Nord natale. Ses photographies, vidéos et installations ont un caractère intime et vulnérable. Elle s’y interroge sur le lourd héritage des liens du sang. Oscillant entre proximité et distance, ses &oelig;uvres font face au problème en même temps qu’elles le fuient – simple mécanisme de survie. Dans Us (& It) (2016 et 2020), elle présente, dans des cadres ovales, des portraits d’elle-même et de sa famille immédiate. Dans chacun, la main d’un autre membre de la famille s’immisce dans le cadre dont elle vient rompre la bordure, geste ambigu inspiré d’un portrait de psychiatrie clinique reproduit dans l’étude de Georges Didi-Huberman sur l’invention de l’hystérie. En même temps réconfort et contrainte, les mains tissent l’unité familiale en reliant les sujets : Us, « nous ». La surdétermination du pronom it – cet autre innommable entre parenthèses– évoque la maladie mentale dont souffrait son père, Malcolm, ainsi que les schèmes comportementaux qui se répètent au fil des générations dans les marqueurs génétiques et les normes sociales, et les lourds idéaux sociaux concernant la famille. En dialogue avec les portraits, une vidéo muette de la mer tournée dans la ville côtière d’Irlande du Nord où vit encore la famille de l’artiste. Interrompant la répétition du cycle des vagues, le montage haché suggère un avenir à la continuité sectionnée. Dans Flesh/Light/Blood/Water, Samuel précipite son corps – cheveux, peau et mains – dans les photos de famille. Le projet prend différentes formes, notamment une frise (2020) et un livre (2023) qui réfléchissent à l’intensité des affects et de l’émotion qui s’accumulent dans le corps et les images. En remodelant ces précieuses photographies d’enfance, l’artiste man&oelig;uvre cette fois entre « la distance absolue et la proximité totalisante » des relations familiales. Elle réinsère son soi actuel dans ces images, mais leur surface plate résiste à ses tentatives d’apparentage unilatérales. Le travail récent de Samuel nous parle tout autant des limites de la photographie que de l’intimité problématique de l’appartenance imposée par les liens du sang. Traduit de l’anglais par Sophie Chisogne Clare SamuelFlesh/Blood/Light/Water (détail), 2020.Photo : permission de l’artiste Clare SamuelUs (& It), 2016.Photos : permission de l’artiste Clare SamuelUs (& It), captures vidéos, 2016.Photos : permission de l’artiste Clare Samuel, Gwynne Fulton

Clare Samuel

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