Alex Yudzon

« Mon premier souvenir d’hôtel est aussi mon premier souvenir de ce pays. » D’origine russe, Alex Yudzon vit et travaille aux États-Unis. Sa pratique, principalement photographique mais largement nourrie par l’histoire de la peinture, témoigne de l’aliénation associée au rêve américain et des déceptions qui attendent à coup sûr les immigrant·es. Ses atmosphères sobres, parfois glauques, parfois plus près du domaine publicitaire, se prêtent à des mises en scène absurdes où différents éléments du quotidien issus de sa double culture entrent en tension de manière à créer un décalage entre ce qui semble familier et ce qui relève de « l’ailleurs », voire de l’exotisme. Fasciné par l’instabilité propre aux notions d’identité, de déplacement et de mémoire collective, l’artiste exacerbe dans ces saynètes le sentiment d’anxiété qui émerge de ce malaise. Ce thème fort est abordé de front dans A Room for the Night (2014–en cours), série de photos prises dans des chambres d’hôtel partout dans le monde. D’une curieuse ressemblance, les clichés dévoilent des montages où des meubles et des accessoires hétéroclites glanés sur place sont empilés par Yudzon au centre de ces chambres anonymes comme autant de sculptures à la fois séduisantes et inquiétantes. À cheval entre le film noir, la photographie d’archives et la nature morte, la série explore les glissements qui s’opèrent entre le familier et le générique et exalte le malaise qui en jaillit. Yudzon s’intéresse particulièrement à la dimension kitch de ces lieux de passage un peu quelconques où séjournent des milliers d’inconnu·es et à leur esthétique vernaculaire, lieux qui, par un désir avoué de familiarité et une volonté de nous faire sentir « comme à la maison », emploient les mêmes tableaux anodins, les mêmes palettes de couleurs douçâtres, la même décoration enquiquinante. Les installations se lisent un peu comme des memento mori nous rappelant que même sur Terre, nous ne sommes que des touristes. Telles des pièces à conviction, les &oelig;uvres attestent le passage de l’artiste, qui, une fois le cliché pris, remettra tout à sa place. Ni vu ni connu. L’hôtel devient un lieu liminal où transitent pêlemêle des souvenirs, des vies, tous vite oubliés. Titulaire d’une maitrise en histoire de l’art avec concentration en études féministes, Anne-Marie Dubois emprunte aux théories féministes et queers leur potentiel critique afin de déboulonner la prétention d’ontologie des différents discours de vérité. Alex YudzonThe Mayo Hotel, 2021, de la série A Room for the Night, Tulsa,2014–en cours.Photo : permission de l’artiste Alex YudzonCongress Plaza Hotel no. 1, 2021, de la série A Room for the Night, Chicago, 2014–en cours.Photo : permission de l’artiste Alex Yudzon, Anne-Marie DuboisAlex Yudzon, Anne-Marie DuboisAlex Yudzon, Anne-Marie DuboisAlex Yudzon, Anne-Marie DuboisAlex Yudzon, Anne-Marie DuboisAlex Yudzon, Anne-Marie DuboisAlex Yudzon, Anne-Marie Dubois

Alex Yudzon

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