Walid Raad / The Atlas Group, Let’s Be Honest, the Weather Helped (Iraq), 1998.
photo : © Walid Raad, permission de | courtesy of Paula Cooper Gallery, New York
La fiction est traitée comme une réalité et les faits peuvent constituer des fictions crédibles dans les œuvres réunies par l’artiste libanais Walid Raad, qui prétend travailler sous les auspices d’un collectif fictif appelé The Atlas Group. Les frontières entre l’histoire et la fiction ainsi qu’entre la paternité individuelle et collective des œuvres sont non seulement rigoureusement remises en question, mais complètement érodées. En réalité, le collectif est le projet artistique de Raad ; il se dit dépositaire d’archives historiques visuelles rassemblées par l’artiste lui-même dans le but de documenter et d’explorer l’histoire contemporaine du Liban, en particulier la guerre civile qui s’est déroulée dans ce pays entre 1975 et 1991.

En s’appuyant sur les conventions esthétiques de la peinture moderniste, Raad s’intéresse aux complexités historiographiques des archives, en particulier lorsqu’elles se proposent de documenter un traumatisme, de scruter l’innommable et l’irreprésentable. Les archives fictives de Raad servent à mettre au jour les césures dans les récits prétendant à la vérité historique. En ayant recours à la fiction et aux mécanismes de l’imaginaire pour explorer les « vérités » du réalisme documentaire, Raad fouille les espaces interstitiels des documents d’archives, qui apparaissent comme des trous, des absences et des lacunes dans le champ historique. Il s’agit des espaces qui sont perdus ou laissés de côté, tels que ceux qui séparent ce qui est arrivé de ce qui est documenté, et ce qui est documenté de ce qui est interprété1 1 - Je fais ici écho aux propos de Renée Green dans son exploration individuelle des espaces interstitiels. Voir « Survival: Ruminations on Archival Lacunae », dans Interarchive, Hans-Peter Feldman (dir.), Cologne, Verlag der Buchhandlung Walther König, 2002, p. 174.. Ces espaces qui échappent à l’examen constituent ce que l’on pourrait appeler les taches ou points aveugles des archives historiques. Ils sont mis en évidence et explorés non seulement au moyen de documents fictifs minutieusement élaborés, mais aussi par le truchement des saisissants procédés formels de Raad.

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Cet article parait également dans le numéro 76 - L’idée de la peinture
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