Igharas_re-naturalize
Tsēma Igharas (Re)naturalize No. 4 (Recoil), 2015.
Photo : Jonathan Igharas, permission de l'artiste

Je suis femme : le projet décolonial de l’art féministe autochtone

Léa Toulouse
En créant, nous nous alignons sur nos ancêtres. La démarche artistique nous permet de nous détacher un tout petit peu du système dominant et de nous raccrocher à une manière d’être fondée sur le faire, plutôt que sur la consommation aveugle.
— Leanne Simpson

L’art des Premières Nations est un acte de résistance contre les forces d’oppression qui confinent les Autochtones dans la marginalité, en particulier les femmes1 1 - Selon Deleuze, « [i]l y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. […] Elle a quelque chose à faire avec l’information et la communication, oui, à titre d’acte de résistance ». Gilles Deleuze, Qu’est-ce que l’acte de création ?, conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis, 17 mai 1987, <bit.ly/2oXYiQI>.. Pour Leanne Simpson, la création favorise le déploiement d’une forme de gouvernance ou de résurgence. L’auteure anishinaabe préconise la résurgence comme moyen de réinvestir nos manières d’être autochtones et de régénérer nos traditions politiques et intellectuelles, dont celles de l’art et de la performance. Le débat sur les alternatives autochtones aux méthodes coloniales en matière de représentation politique et de gouvernance prend de l’ampleur ; les projets de décolonisation se multiplient partout au pays. Il est essentiel, dans ce contexte, de redonner une place aux manières d’être et de voir caractéristiques du matriarcat précolonial. Par ailleurs, il faut aussi diffuser et célébrer les réalisations autochtones afin de faire contrepoids à la répétition et la réification impitoyables des violences qu’ont endurées et que continuent de subir les peuples autochtones et les femmes en particulier. Simpson argumente, dans son ouvrage Dancing on Our Turtle’s Back, qu’une méthode de résurgence comme l’art du conte peut constituer une stratégie essentielle de décolonisation : « Le conte devient cette lentille qui nous permet d’entrevoir une possibilité de s’affranchir de l’impérialisme cognitif2 2 -  Leanne Simpson, Dancing on Our Turtle’s Back: Stories of Nishnaabeg Re-Creation, Resurgence, and a New Emergence, Winnipeg, ARP, 2011, p. 33. [Trad. libre]. » Elle cite l’exemple de Rebecca Belmore, une artiste anishinaabe reconnue, soulignant que ses performances démentent le récit d’une dépossession normalisée et manifestent une présence anishinaabe, qui n’est pas celle d’une victime, mais d’une femme forte et non autoritariste. « Les artistes autochtones comme Belmore interrogent l’espace de l’empire ; elles imaginent des façons de s’en libérer qu’elles illustrent dans leurs performances. »

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Cet article parait également dans le numéro 90 - Féminismes
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