VIVA ! Art Action

Anne Philippon
Lieux divers, Montréal,
du 1er au 6 octobre 2013
Belinda Campbell, Le Boléro de Bonnes Boucles !, Viva ! Art Action, Montréal, 2013.
photo : Guy L’Heureux

[In French]

L’événement VIVA ! Art Action brosse un portrait dynamique de la performance au Québec et à l’étranger. Aux composantes variables et bigarrées, cette manifestation constitue une vitrine inspirante et essentielle de l’art action actuel. À la suite de l’observation attentive et globale des actions, force est de constater que la destruction et la déconstruction de l’objet, des genres ou du langage sont des thèmes récurrents de la pratique performative et constituent des moteurs de création.

En effet, dans le cadre de la conférence sur les pratiques furtives, le travail de l’artiste français Jean-Baptiste Farkas a été révélé au grand jour. Le projet Acheteurs-Casseurs faisait partie d’un des « services » hors murs offerts par l’artiste. Les acteurs participants au projet devaient activer son service en achetant un objet d’une valeur de 60 $ et le détruire devant le vendeur. Cette intrusion de l’art dans le réel permet de reconsidérer, d’une part la matérialité de l’objet et d’autre part, en évacuant le cadre dans lequel l’œuvre s’inscrit, l’anonymat du geste artistique. Ce projet intime de confrontation, où l’expérience est secrète et limitée dans le temps et dans l’espace, démontre une pluralité de regards, d’intérêts et de sensibilités. Effeuiller des pétales ou les pages d’un roman, choisir un objet générique ou particulier, plusieurs cas de figure pouvaient être observés.

Belinda Campbell proposait un spectacle clownesque ponctué de gestes insolites et grotesques. Rythmés par le Boléro de Ravel, les mouvements du clown vacillaient entre érotisme et humour, étrangeté et absurdité. Le traitement de l’ensemble, rendu de manière mécanique, de même que la lumière vive et crue qui éclairait la scène, nous plongeaient dans une atmosphère désolée et sinistre. Un attrait mêlé d’inquiétude où l’on observait le personnage se désarticuler, se métamorphoser, se déshumaniser. De plus, la musique, toujours plus forte, toujours plus discordante, donnait un aspect dramatique à l’ensemble. La figure traditionnelle du clown a déjà été traitée par de nombreux artistes romantiques, modernes et contemporains. Ses occurrences sont multiples et il en va de même pour ses significations. Comme l’énonce Marine Van Hoof (« Ex-dieux, nouveaux pitres », Vie des arts, vol. 49, n° 195, 2004), la fonction essentielle du clown est d’offrir au spectateur un miroir. Qu’elle soit mélancolique, tragique, poétique, joyeuse, nihiliste, triviale, grossière ou mortifère, la figure clownesque est d’abord allégorique et échappe à l’histoire.

Par ailleurs, l’artiste catalan Bartolomé Ferrando utilisait des onomatopées pour construire un langage improvisé, abstrait et poétique. Il montrait de façon probante que la performance est une figure universelle qui crée une expérience artistique directe et commune. En somme, il émane de VIVA ! Art Action des démarches expérimentales, intimes et personnelles démontrant que l’art action est un rouage essentiel aux arts visuels, tendant vers le démantèlement des conventions et la construction d’un imaginaire collectif.

Anne Philippon
This article also appears in the issue 80 - Renovation
Discover

Suggested Reading