Tim Clark : Reading the Limits. Works/oeuvres, 1975-2003

Katrie Chagnon
David Tomas et Michèle Thériault (éd.), Montréal, galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia, 2008, 206 p.

[In French]

La notion de limite occupe aujourd’hui une place prépondérante dans les discussions esthétiques. À cet effet, le repositionnement philosophique et l’ouverture interdisciplinaire de l’histoire de l’art, de même que la redéfinition des paramètres de l’art initiée dans les années 1960-1970 ont pour conséquence de dynamiser les rapports entre l’art et la culture intellectuelle, entre la pratique et la théorie.

La publication Tim Clark : Reading the Limits accompagnant l’exposition rétrospective de l’artiste montréalais à la galerie Leonard & Bina Ellen aborde ces enjeux à travers les questions des limites de l’art et du rôle de l’université dans la production artistique. Privilégiant une approche savante, cet ouvrage tient compte du contexte institutionnel dans lequel il s’inscrit. Comme l’explique la directrice de la galerie, le projet du commissaire David Tomas rencontre les préoccupations d’une galerie universitaire, où la recherche et la place du savoir académique dans le discours sur l’art sont des questions cruciales. Il permet également d’éclairer une pratique méconnue et souvent jugée hermétique, caractérisée par un parcours qui va de la photographie à la performance ou à l’installation, pour déboucher sur une démarche conceptuelle axée sur l’écriture de textes. Néanmoins, les trois essais regroupés dans le livre refusent d’adopter une posture didactique qui en faciliterait l’accès. Ceux-ci visent plutôt à prolonger les bases réflexives de ce travail en mettant l’accent sur ses interactions avec les domaines de l’éthique et de la philosophie, tout en portant une ­attention particulière aux relations qu’il entretient avec ses conditions sociopolitiques, économiques et épistémologiques. 

Dans ses deux textes, Tomas fait ressortir les implications « radicales » de la pratique de Clark, qu’il situe dans le prolongement de l’art conceptuel des années 1970. Les stratégies critiques employées par l’artiste y sont analysées à la lumière d’une remise en question du statut de l’œuvre d’art, redéfinie comme médium de transmission d’un savoir et d’une conscience sociale. Par sa production livresque, l’artiste-théoricien pose ainsi la question des « limites » à travers une réflexion sur le rôle des systèmes de croyances et des forces disciplinaires dans ce qui définit l’activité artistique. Dans une perspective différente, l’historien de l’art Eduardo Ralickas s’intéresse aux enjeux pragmatiques de cette démarche et à la manière dont elle problématise les rapports entre art et philosophie. L’auteur tente de montrer « […] comment ces images, performances et installations apportent des réponses philosophiques – tout en demeurant art –, à des questions pressantes de la philosophie la plus contemporaine » (p. 98), à commencer par celle de l’identité du sujet envisagée d’un point de vue moral. En somme, ce bref aperçu du contenu discuté par les auteurs montre que nous avons affaire à un ouvrage dense et complexe, où le ­lecteur intéressé par le travail intellectuel trouvera certainement de quoi se nourrir.

Katrie Chagnon, Tim Clark
This article also appears in the issue 66 - Disappearance
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