Manon De Pauw. Intrigues 

Nathalie Desmet
Centre culturel canadien, Paris,
Du 4 avril au 8 septembre 2012
[In French]

Pour la première exposition française de Manon De Pauw au Centre culturel canadien, Louise Déry a choisi de présenter les travaux préli-minaires à la démarche actuelle de l’artiste. Si l’on ne connaît pas les vidéoperformances de Manon De Pauw, finaliste du prix artistique Sobey 2011, l’exposition peut être un peu décevante. Le parti pris, qui explique la présence de travaux anciens, encore immatures, comme Échelle humaine (2002) ou Corps pédagogique (2001), occulte certainement la force de son travail actuel. 

La performance est difficile à exposer, mais l’exposition permettra de se faire une idée des projets récents de Manon De Pauw. Son atelier se réduit aujourd’hui à une table lumineuse sur laquelle la manipulation de formes diverses, un agencement d’outils, permet de créer la projection d’un jeu de transparences et d’opacités assez hypnotique.

Dans le cadre de la Nuit blanche à Montréal en 2009, elle présen-tait avec l’artiste sonore Nancy Tobin un projet qui semble se situer à la naissance même de l’image. Manon De Pauw est à la recherche d’une grammaire graphique qui s’organiserait autour de la lumière, de sa forme, de son animation et de sa projection. Elle partage les mêmes obsessions que László Moholy-Nagy, avec la conscience, toutefois, du risque que le numérique fait peser sur l’existence de toute émulsion photosensible. Répertoire (2009) donne une idée assez précise de l’importance du dis-positif pour l’artiste. Cette installation vidéo à six projecteurs résume son vocabulaire : cercles, spirales et volutes découpés ou tracés, papiers opaques ou transparents se superposent, se déroulent, se déploient dans un bruissement léger. Fantasmagorie lumineuse (2008) représente encore mieux ses vidéoperformances : un film est projeté sur une surface blanche qui, détachée du mur, évoque un tableau vierge et n’est autre que celui des manipulations que l’artiste pratique sur sa table lumineuse. On ne sait plus très bien si les ombres que l’on voit font partie du film ou de la projection. Le résultat, très graphique, est la combinaison de gestes simples – déplacement et agencement de formes découpées. On se sur-prend à vouloir anticiper le geste qui va suivre, à se laisser manipuler. On comprend mieux, dès lors, le titre de l’exposition, Intrigues.

La fascination qu’exercent ces vidéoperformances tient aussi en grande partie à celle du geste et de la main. « On ne repense pas les tech-niques, on les apprend », disait Leroy-Gourhan. Au-delà du dispositif, le travail de Manon De Pauw donne à penser que toute proposition artis-tique est aussi celle de l’Homo faber et des forces motrices qu’il met en oeuvre pour fabriquer des images. 

Manon De Pauw, Nathalie Desmet
This article also appears in the issue 76 - The Idea of Painting
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