Tropicomania : La vie sociale des plantes, vue d'exposition, Bétonsalon, Paris, 2012.
Photo : © Grégory Copitet, permission de Bétonsalon, Paris
[In French]

Une vaste exposition au Palais de Tokyo tout juste rouvert pour l’occasion, des manifestations parallèles proposant des projections, des conférences, un thème – l’ethnologie – très en vogue, sans oublier une soupe de Rirkrit Tiravanija en avant-première, tout a été réuni pour faire de la Triennale un nouvel événement artistique international. L’ancienne « Force de l’art », dont le but était de valoriser les artistes contemporains « français », a été remplacée par cette nouvelle mouture plus ouverte sur le monde qui procure à Paris un équivalent des manifestations d’art contemporain existantes, par exemple la Biennale de Lyon. Quelques pièces ont d’ailleurs été vues précédemment à Venise. En deux mots, l’événement est sans originalité mais les œuvres choisies sont souvent pertinentes, ce qui n’est déjà pas si mal.

En explorant les marges de la manifestation, on découvre des initiatives plus audacieuses. Les numéros du journal publiés sur le site internet comportent des articles passionnants (réflexions de Thomas Hirschhorn, n° 2), des échanges riches et précis (entretien d’Anna Colin et Latifa Laâbissi, n° 2), des mises en pages radicales (répartition des images de Closky, n° 4).

La proposition la plus intéressante reste sans doute l’exposition Tropicomania, la vie sociale des plantes à Bétonsalon, qui rassemble des œuvres et des documents autour de la circulation des plantes exotiques. Dès l’entrée on peut voir le documentaire Ananas (1983) d’Amos Gitaï qui suit les méandres de la fabrication des conserves Dole : tandis que les étiquettes sont imprimées au Japon, les ananas sont cultivés aux Philippines, mis en boîte à Hawaï et commercialisés à San Francisco. En interrogeant les employés agricoles, les ouvriers, les dirigeants, le réalisateur révèle à quel point ce fruit si lumineux incarne une sombre histoire coloniale qui se poursuit aujourd’hui à travers la domination économique. Non loin, une reproduction d’un tableau du 17e siècle montrant le roi d’Angleterre, Charles II, un ananas à la main, King Charles receiving the first Pineapple cultivated in England (1675) du peintre hollandais Hendrick Dankerts, résume la fascination et les enjeux de pouvoir concentrés dans le fruit. Il est intéressant de noter que les commissaires ont privilégié la construction du sens à travers l’accrochage aux dépens du spectaculaire en faisant figurer la reproduction d’une œuvre originale indisponible. La série d’aquarelles This is not an apricot (2009) de Maria Thereza Alves qui confronte les fruits avec leurs noms, se trouve accrochée au-dessus d’un spécimen de banane tirée de l’herbier de Lamarck. Des photos de Germaine Krull des années 40 montrent des travailleurs camerounais récoltant le caoutchouc, tandis qu’en face, une carte géographique présente l’Afrique comme un vaste réservoir de denrées dans lequel il n’y a qu’à puiser. Dans le contexte de l’exposition cette carte semble désuète mais, il n’y a pas si longtemps, elle était accrochée dans une salle de classe.

Amos Gitaï, Latifa Laâbissi, Maria Thereza Alves, Rirkrit Tiravanija, Rirkrit Tiravanija, Thomas Hirschhorn, Vanessa Morisset
This article also appears in the issue 76 - The Idea of Painting
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