F is for Fake : L’art, le cinéma et le faux

Aurélie Vandewynckele
Galerie SAW, Ottawa
du 7 juin au 16 août 2014
Vue d’exposition F is for Fake : L’art, le cinéma et le faux, Galerie Saw, Ottawa, 2014. Photo : David Barbour, permission de Galerie Saw, Ottawa
Galerie SAW, Ottawa
du 7 juin au 16 août 2014
F is for Fake : L’art, le cinéma et le faux, vue d’exposition, Galerie Saw, Ottawa, 2014.
Photo : David Barbour, permission de Galerie Saw, Ottawa
« This a film about trickery, about fraud, about lies » ; c’est en ces termes qu’Orson Welles présentait son long métrage semi-documentaire, F for Fake (1973) qui donne aujourd’hui son nom à l’exposition collective pensée par Jason St-Laurent. Le film retrace la vie d’Elmyr de Hory, un faussaire de grande renommée, et interroge le concept d’authenticité.

Les histoires de grandes escroqueries et le talent du détournement ont toujours fasciné, mais ce que pose d’emblée F is for Fake est une interrogation sur notre appréhension collective de l’authenticité. En déambulant parmi ces copies exposées dans une institution, la question « qu’est-ce qui fait œuvre ? » revient nous interpeler. Le faux est-il encore vu comme une usurpation de l’original ou peut-il désormais être considéré comme authentique ?

Toutes les pièces présentées ont en commun un rapport intrinsèque à une réalité ou à un objet. Les reproductions de grands peintres tels que Modigliani ou Chagall posent en exergue cette relation entre copie et œuvre originale. Le projet Bootleg de John Boyle-Singfield (présenté pour la première fois depuis sa censure en janvier 2013) observe avec justesse nos pratiques contemporaines d’appropriation et confronte cette utopie de singularité dans une réalité influencée par internet.

Le concept d’originalité et de valeur reste difficile à définir, comme le montre l’exemple de Morisseau dont les œuvres ont subi une dépréciation par le nombre de mauvaises copies vendues à son insu. Ces reproductions côtoient les billets de dix livres détournés par Banksy, celui-ci ayant remplacé l’effigie de la reine d’Angleterre par celle de Diana et la mention Bank of England par Banksy of England. Ces pièces ont perdu leur statut de fausse monnaie et sont devenues des objets ouverts à la spéculation, voyant leur valeur monter de 10 à 200 livres sur ebay. Ce que révèlent de faux billets ou des œuvres contrefaites face aux institutions qui les protègent, c’est que le système de valeurs trouve sa naissance soit dans des croyances collectives, soit dans la valeur inhérente d’un objet. Des changements importants dans notre rapport à l’image surviennent lorsque ces notions sont sollicitées dans une nouvelle perspective.

F is for Fake se place comme une amorce d’histoire collective de la copie, une anthropologie de l’appropriation. L’excellente proposition curatoriale démontre que la marge ultramince entre le faux, la copie et son appropriation transcende le concept d’originalité tout en démontrant que ces notions ne cessent de se complexifier. La problématique restera en suspens tout l’été, puisque la galerie propose une sélection de projections en parallèle avec l’exposition. On y retrouvera notamment le faux documentaire Forgotten Silver de Costa Botes et Peter Jackson. L’art du faux a encore de belles heures devant lui à notre époque du copier-coller 3.0.

Aurélie Vandewynckele
This article also appears in the issue 82 - Spectacle
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