[In French]

1- Les étiquettes ne me conviennent pas vraiment, mais je suppose que le terme performance est celui qui décrit le plus justement ma pratique.

2- Je définis mon travail par des performances mi-dérangeantes, mi-drôles, où je récupère des mimiques, des sons et des gestes des derniers moments de la vie de mon père qui est décédé à l’été 1997. À mes performances se greffe un moyen de reconfigurer des problèmes physiques aigus qui limitent mes mouvements et m’occasionnent de la douleur chronique qui s’intègre à mon quotidien depuis plus de 20 ans – deux expériences du corps qui ont marqué ma pratique. Toutefois, mon travail performatif n’est pas uniquement lié à la mort de mon père et à ces problèmes physiques. Ce sont des éléments qui introduisent l’ensemble d’une œuvre qui implique aussi la notion de vulnérabilité du corps et de ses changements: situer la fragilité du corps face à un environnement inhabituel et trouver des moyens de saisir le sens de la métamorphose et de la précarité qui se manifeste. Lors de mes performances je m’impose toujours un défi en me plaçant dans une situation d’inconfort. Je dois travailler avec une certaine dualité liée à la notion de stabilité versus celle d’instabilité. S’installe alors une forme de déchirement qui introduit une démarche soutenant un déracinement corporel afin de confronter mes peurs aux normes du maintien physique et psychique. Savoir équilibrer ce maintien par l’intermédiaire d’accessoires parfois incongrus, parfois futiles démarque un semblant de dérisoire dans un contexte dénué de technologie.

3- Je fais de la performance depuis deux ans et c’est essentiel à l’équilibre de mon mieux-être psychologique. La performance participe activement à ma survie.

4- Cette pratique est très importante et nécessaire à l’évolution de l’art actuel.

5- Pour me situer et répondre adéquatement à cette question, par curiosité, je me suis d’abord référé à la définition du mot « spectacle » qui se définit comme suit :

1-Ensemble de choses ou de faits qui s’offre au regard, capable de provoquer des réactions. V. Aspect, tableau. Péj. Se donner en spectacle, s’exhiber, se faire remarquer.

2- Représentation théâtrale, cinématographique, chorégraphique ; ce qu’on présente au publie au cours d’une même séance. (V. film, pièce…). Spectacle imprévu. V. Happening. Salle de spectacle. L’ensemble des activités concernant le théâtre, le cinéma, le music-hall, la télévision, etc.

3-Mise en scène.
Selon cette définition, ma pratique s’inscrit directement à certaines caractéristiques du spectacle. C’est inévitable – je m’offre constamment au regard d’un public en souhaitant provoquer des réactions, parfois, c’est un spectacle imprévu et pour certains, je m’exhibe sans omettre de me faire remarquer! Donc, par extension, je fais du spectacle.

Toutefois, je n’associe aucunement mon travail performatif aux caractéristiques des arts de la scène. D’abord, j’ai horreur d’une scène. Je l’évite. D’après ma notion de la performance, je travaille d’une façon très autonome où les règles préétablies des arts de la scène sont absentes dans le développement du processus de création et de présentation de l’œuvre. Le quatrième mur est inexistant. Souvent, une œuvre devient une intervention in situ où le rapport avec le public prend une dimension autre que celle associée aux arts de la scène. Elle tente d’éliminer les pôles et les barrières qui pourraient s’établir entre l’action de performer versus le public qui s’intègre à cette action, et ce, dans sa forme et dans son intégration.

Pierre Beaudoin, Pierre Beaudoin
This article also appears in the issue 40 - Performance
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