[In French]

Issu du milieu des arts visuels, j’en suis venu à la performance parce que j’étais déçu de produire des orphelins, des œuvres mésadaptées sociales. Beaucoup d’artistes peintres, sculpteurs et installateurs dirigent des orphelinats. Contrairement au théâtre, à la danse, à la musique ou au cinéma, le public (restreint) passe en moyenne 1 minute 45 secondes devant une œuvre d’art. Le désir de communiquer était inassouvi. La Joconde sourit parce qu’on la nourrit, on la regarde. « Le triste sort réservé aux originaux », comme le disait Serge Lemoyne lors de son exposition qui portait cette phrase comme titre.

Médium transmetteur très efficace, la performance fut le tracteur d’un courant, le début d’une mixité qui inspira plusieurs autres disciplines, dont le théâtre, la danse et la musique. Une nouvelle attitude, un laboratoire d’idées basé sur le désir de réinventer continuellement une nouvelle déviance.

Je profite de l’occasion pour dire qu’il est paradoxal, et même obsolète, d’organiser des colloques ou des conférences pour définir la performance. 

La performance est fugitive, elle est en constante mutation, c’est un bout de mercure : tu mets le doigt dessus et elle se multipliera à l’infini.

La performance dit l’indicible, elle germe dans la notion fondamentale du risque, elle détourne, elle court à sens contraire de la planète.

« Dehors la loi ! »

La performance est rebelle et elle sait très bien arriver en retard lorsqu’elle a rendez-vous avec la mort.

Elle est atypique. Les performeurs sont des têtes chercheuses inventant des lance-missives. II faut toucher au cœur de façon à entraîner, pour ceux qui ont de la veine, une propulsion du sang vers l’influx nerveux. Et enfin, la performance est aussi et beaucoup une façon de dire que « Personne naît seul ».

La vitesse de l’idée étant plus rapide que la vitesse de la lumière, beaucoup d’artistes souffrent d’alzheimer (comme le disait Paul Grégoire). Trop vite, trop plein, il faut downloader la mémoire, faire de la place puisque même caché sous ton matelas avec deux oreillers sur la tête, tu ne seras jamais à l’abri d’une idée… c’est l’en faire.

Je profite également de cette rubrique pour saluer un bon copain, Serge Lemoyne, « maintenant » décédé et qui était, selon moi, l’un des premiers performeurs live et je ne fais pas référence aux happenings.

Sa tribune était la vie. Peu de gens ont compris son attitude. Derrière le nihilisme se cachait une volonté de mots-dire l’essentiel tout en refusant l’idéal.

La photographie ici présentée témoigne de la performance que j’ai réalisée lors de l’événement d’un soir au Spectrum et qui s’intitulait Lemoyne en prolongation. La performance avait pour titre Lemoyne en prise de vue.

Tiens ! Portons un toast à l’eau delà.

Claude Lamarche, Claude Lamarche
This article also appears in the issue 40 - Performance
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