PROJET

Concessions est une intervention discrète dans un quotidien local : une annonce a d’abord été publiée sous la rubrique «terrains à vendre» : les lecteurs intéressés sont invités à composer le 1 800 U-T-O-P-I-E-S. Dans la plupart des cas, les numéros 1 800 sont sans frais et mis en place par des entreprises ou des organismes pour donner des informations sur un produit ou un service. L’annonce formulée ainsi dans un contexte mercantile joue avec l’idée qu’il pourrait y avoir une mainmise sur un non-lieu et que la stratégie du commerce finirait par rattraper toute forme d’espace protégé. Ce geste peut être interprété comme une dérive individualiste où l’aspect pragmatique des hommes l’emporte sur une vision poétique du monde.

Lorsque l’on compose le 1 800 U-T-O-P-I-E-S, on tombe sur une boîte vocale qui énonce le message suivant : the number you have dialed cannot be reached from your calling area. Cette réponse entretient l’idée d’une distance physique avec un non-lieu; elle nous fait percevoir un espace potentiellement inaccessible à partir de l’endroit même où nous sommes situés. Elle nous suggère alors un repositionnement.

À titre d’anecdote, lorsque nous avons voulu faire publier l’annonce dans un autre journal local, le directeur des petites annonces nous a appelés pour nous faire connaître son refus, pour expliquer son motif. Il précise : « ce n’est pas la place pour faire paraître des utopies ». Vendre l’invendable, c’est possible, il suffit de trouver la faille. Entretenir une vision poétique reste un défi problématique, un choix à contre-courant : l’imaginaire versus le réel. Apparemment, il y a des garde-fous autour de l’utopie…

Gennaro De Pasquale, Gennaro De Pasquale, Maryse Larivière, Maryse Larivière
Cet article parait également dans le numéro 53 - Utopie et dystopie
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