Stéphane La Rue, Retracer la peinture

Pierre Rannou
Galerie de l’UQAM, Montréal
Du 22 février au 29 mars 2008
Galerie de l’UQAM, Montréal
Du 22 février au 29 mars 2008
Retracer la peinture, l’exposition de type rétrospectif que la Galerie de l’UQAM consacrait au travail du peintre Stéphane La Rue, a permis de prendre toute la mesure de ce qu’au fil des ans on avait pu constater, soit l’extrême finesse de la démarche de l’artiste et la grande intelligence qui la soutend. En pénétrant dans l’espace d’exposition, on a l’impression de s’engager en terrain connu tant il semble que l’on puisse reconnaître les enjeux stylistiques et formels de la peinture minimaliste. Néanmoins, une contemplation attentive des œuvres oblige le regardeur à mettre rapidement de côté ce réflexe critique, pour se consacrer à résoudre les énigmes perceptuelles que recèlent les tableaux monochromes blancs et les dessins, car c’est à un intense exercice d’observation et de regard que les commissaires Marie-Eve Beaupré et Louise Déry conviaient le visiteur.

À titre d’exemple, Blanc d’ombre no 8 (2005), placée en début de parcours, met en lumière le travail d’investissement exigé du spectateur dans la réception de l’œuvre. En jouant avec l’épaisseur du support, inégale sur toute la surface, créant ainsi un intrigant paradoxe perceptuel, l’artiste invite le regardeur à délaisser son habituelle et confortable position fondé sur une pure jouissance optique, pour s’aventurer au plus près de l’œuvre et ainsi partager son espace, tout en se confrontant à sa matérialité. Ce qui pourrait s’avérer n’être qu’un simple jeu optique, une sorte d’amusant exercice sur la perception, apparaît rapidement au visiteur comme une démarche des plus sérieuses et des plus rigoureuses. Ainsi, l’expérience visuelle proposée par Quintette (pour Joe Maneri) (2003), située à la fin du parcours mais physiquement près de Blanc d’ombre no 8 à cause du trajet en boucle, donne l’impression de reproduire un jeu de surface similaire à cette dernière œuvre, mais en diffère considérablement comme permet de le constater un regard rapproché, car au lieu de jouer avec l’épaisseur du support, La Rue a plutôt choisi de travailler distinctement la luminosité de la surface de chacune des sections de l’œuvre.

Des réflexions similaires sur la perception, la construction des œuvres et de l’espace sont activées en présence de chacun des tableaux. De la même façon, les œuvres sur papier vont proposer, en imposant un travail de lecture abstrait et quasi mathématique favorisé par leur dimension et leur matérialité, une expérience du regard impliquant un rapport physique, une envie de déplier, de retourner, de déplacer les feuilles pour retrouver une certaine forme de quiétude, car elles finissent par transmettre au spectateur la certitude que sous leurs organisations simples, il existe un univers éminemment complexe, difficile à déchiffrer, ce qui finit par engendrer un malaise proche du sentiment d’angoisse. Mais n’est-ce pas là un des rôles des œuvres d’art ?

Pierre Rannou, Stéphane La Rue
Cet article parait également dans le numéro 64 - Déchets
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