PLAY / DISPLAY

Vanessa Morisset
Galerie 22,48 m2, Paris,
du 13 septembre au 31 octobre 2013
Jean-Baptiste Caron, Une Histoire du monde, Galerie 22,48 m2, Paris, 2013.
photo : Ana Tamayo, permission de la Galerie 22,48 m2, Paris

Quiconque a visité un jour une rétrospective Fluxus a éprouvé la frustration de devoir contempler à travers des vitrines des objets conçus pour jouer et être manipulés, comme des boîtes de puzzles, raquettes de ping-pong truquées et autres. Comment exposer des objets ludiques ? La question est abordée par les pièces de Play / Display qui permettent aux visiteurs d’explorer les interférences entre les règles du jeu propres à chacune et celles visant à leur préservation, communes à toutes les galeries et musées. Au sein d’une scénographie qui prend la forme d’un grand jeu de l’oie et brouille la frontière entre le mobilier et les pièces, les œuvres, presque toutes conçues pour l’occasion, déclinent les possibilités de relation à l’objet, depuis la déconstruction jusqu’à l’interdiction de toucher. Par exemple, la sculpture en mousse de Hektor Mamet peut être démantelée et réagencée grâce à des scratchs. On manipule à sa guise la chaise de jardin de Leopoldo Mazzoleni dont les morceaux découpés ont été réassemblés à l’aide de charnières métalliques. À l’autre extrémité de la proposition, le jeu est représenté dans les dessins de stades de Géraud Soulhiol, tandis que La Chimérisation #8 de Beat Lippert, un moulage de peluche qui évoque de manière émouvante la sacralité des reliques, renoue avec la distance qu’imposent généralement les conditions d’exposition. La pièce que l’on aurait le plus envie de toucher pour se rappeler la douceur de l’enfance, se dérobe, parce que trop fragile.

En ce qui concerne la parodie des jeux classiques, on peut tester sa capacité à établir des rapprochements pertinents entre deux images avec le Memory de Marianne Muller, créé à partir des diptyques photographiques de l’artiste, s’essayer au puzzle à sept couches de Caroline Delieutraz, inspiré des zooms de Google Art Project (ici sur La Tour de Babel de Bruegel l’Ancien), exercer sa logique avec la sculpture en bois de l’artiste coréen Sang-Sobi Homme ou naviguer à l’aide du levier de commande dans le montage de films de Émilie Brout et Maxime Marion.

Au centre du dispositif de l’exposition, une œuvre intrigue particulièrement. Sur un plateau de bois qui constitue l’une des cases du jeu de l’oie, une petite sphère attend d’être activée. Il s’agit d’Une histoire du monde de Jean-Baptiste Caron, œuvre habituellement présentée avec trois boules dans un filet du type sac de billes, qui comporte, affirme l’artiste, la particularité de tourner en spirale lorsqu’on la lance. À l’origine conceptuelle, comme une mini Spiral Jetty potentielle, la sphère présentée ici peut être mise en mouvement… et tenir sa promesse.

Dans cette exposition, on joue donc beaucoup, mais plus que sur le jeu, l’attention se porte très vite vers soi et la proximité que l’on s’autorise avec les œuvres. À travers les expériences proposées, on se réapproprie en somme un rapport à l’art qui n’est pas fixé une fois pour toutes.

Vanessa Morisset
Cet article parait également dans le numéro 80 - Rénovation
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