Pascal Grandmaison, Light my fiction 

Stéphanie Dauget
Eponyme Galerie, Bordeaux,
Du 29 septembre au 22 décembre 2011
Pascal GrandmaisonLight my fiction, vue d'exposition, Eponyme Galerie, Bordeaux, 2011.
photo : permission de Eponyme Galerie, Bordeaux
Après une rétrospective d’envergure de janvier à mai 2011 au Casino du Luxembourg, l’artiste montréalais Pascal Grandmaison poursuit son parcours européen avec une exposition à la galerie Eponyme de Bordeaux. Light my fiction, titre d’exposition emprunté par l’artiste à l’une de ses pièces, prolonge l’exploration d’un univers complexe et stratifié déjà entamée en 2009-2010 avec la projection du diptyque filmique Je te vois à l’envers (2008) et Double brouillard (2007). Light my fiction réunit sculpture, photographie et vidéo. Cette installation hybride éclaire un univers minutieux et réflexif où chaque pièce entre systématiquement en résonance avec les autres. 

La série photographique No black light (2007) décline l’absence évolutive d’une plaque de verre aux dimensions exactes des fenêtres du Toronto-Dominion Centre, décor énigmatique de Je te vois à l’envers. L’artiste use de l’incrustation pour révéler la dimension construite de l’image et s’interroger sur l’histoire du procédé photographique. L’illusion narrative et la qualité esthétique distanciée de ses images se dérobent au profit de l’expression du regard analytique qu’il pose sur son envi-ronnement au travers de l’oeil mécanisé et augmenté de son objectif. Fading light (2008) illustre le jeu réflexif caractéristique de l’univers de Grandmaison en érigeant en sujet central de la représentation le bloc de piles qui alimentait le flash utilisé pour la série photographique elle- même. La remise en question des modes de production du visible agit, dans le travail de l’artiste, aux points précis où notre vision se trouble : là où le monde contemporain procède à la désincarnation de l’individu, là où le détail le plus infime se transforme en événement monumentalisé.

Au sein de l’espace de la galerie s’instaure un dialogue entre les pièces I lost you in the desert (2010) et Soleil différé (2010) inscrites dans une démarche d’enrichissement plastique et conceptuel réciproque. La première est une installation sculpturale composée de douze roches extraites des îles artificielles Sainte-Hélène et Notre-Dame construites à Montréal pour l’Expo 67. L’artiste est intervenu sur chaque pierre en y peignant un simulacre d’ombre portée. Il interroge ainsi, via un détour-nement du médium lumineux, l’impact de l’objet recontextualisé dans les conditions d’exposition. Dans Soleil différé, il réalise une patiente errance teintée de nostalgie parmi ces mêmes territoires en désuétude.

L’exposition Light my fiction livre un bel aperçu du subtil paradoxe temporel qui fonde la puissance des images de Grandmaison : la possible coexistence entre la beauté fragile d’un instant volé et l’imposante épais-seur de l’éternité.

Pascal Grandmaison a présenté son oeuvre filmique aux Rencontres Internationales Paris/Berlin/Madrid à Paris du 18 au 26 novembre 2011 et bénéficiera d’une expo solo proposée par la galerie Eponyme durant Art Rotterdam du 9 au 12 février 2012.

Pascal Grandmaison, Stéphanie Dauget
Cet article parait également dans le numéro 74 - Savoir-faire
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