Natalie Reis, Toxic Cornucopia 

Anne-Marie St-Jean Aubre
Galerie Trois Points, Montréal,
Du 30 avril au 4 juin 2011
Natalie Reis
Vue de l’exposition Toxic Cornucopia, 2011.
photo : Guy L’Heureux, permission de la Galerie Trois Points, Montréal
Les oeuvres qui forment le corpus de Toxic Cornucopia, deuxième exposition solo de Natalie Reis à la Galerie Trois Points, se distinguent de celles exhi-bées en 2009 par leur composition plus chargée et colorée. Si les enjeux liés à la représentation des femmes sont toujours prédominants dans cette nouvelle production, l’intérêt manifesté par Reis pour la mythologie grecque a laissé place à une réflexion centrée davantage sur les symboles propres au christianisme. 

L’imagerie qui peuple la majorité des toiles ou dessins de l’artiste provient de deux sources : l’histoire de l’art avec ses grands thèmes et l’actualité. Une oeuvre comme Odalisque Back Side (2008) – reprenant la célèbre silhouette anormalement allongée de La Grande Odalisque (1814) d’Ingres pour l’affubler d’une tête de lion, ce qui accentue son aspect grotesque –, est réalisée la même année que The Pig Farmer (2008), asso-ciée à Robert Pickton. Une série sur Karla Homolka (2007) et un portrait de Kenisha Berry (2009), mère condamnée pour infanticide aux États-Unis en 2004, fait également partie de ses sujets picturaux. Dérangeantes, ces oeuvres posent la question du traitement démocratique de la peinture et de la légitimité d’un tel principe. Par cette iconographie controversée, Reis se rapproche d’un Marc Séguin, dont la production récente comprend des toiles faites de cendres humaines et une série sur le massacre des habitants d’Oradour-sur-Glane, perpétré en 1944 par les Nazis. Exposée chez Trois Points, Christine Chubbuck Ride Off (2010) s’inscrit dans cette veine en faisant référence à l’histoire de la journaliste américaine de 29 ans qui s’est suicidée en direct lors de son émission télévisée, en 1974. Par contre, c’est résolument d’un point de vue féminin, voire féministe, qu’elle aborde cette question, ce que rendent visible l’usage de teintes pastel, de volants, de bras gracieux de putti et la présence de phallus, symboles du pouvoir masculin.

La violence latente des séries antérieures de Reis est davantage per-ceptible dans ce nouveau corpus où les organes humains, notamment les boyaux d’intestin, se répandent librement. Dans Animalism Cannibalism (2011), un ours brun semble s’en nourrir, les vitraux en arrière-plan trans-formant la scène en un commentaire sur la transsubstantiation et le sens littéral de la communion. L’allusion au dogme religieux est encore plus marquée dans Ichthys (2011), qui reprend le geste associé à la célébration de l’Eucharistie. Un poisson, symbole des premiers chrétiens, est présenté aux fidèles à la manière du corps du Christ. Sa queue est prolongée de deux têtes de morts, le motif de la vanité, également présent dans Toxic Cornucupia (2011), où le crâne est positionné presque de la même façon que la tête décapitée d’Holopherne. Cette référence à l’histoire de Judith et Holopherne, issue de l’Ancien Testament, cristallise habilement le questionnement central que cette démarche paraît entretenir : quand la violence devient-elle héroïque et propice à la célébration ?

Anne-Marie St-Jean Aubre, Natalie Reis
Cet article parait également dans le numéro 73 - L’art comme transaction
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