Jacqueline Hoang Nguyen
Space Fiction & the Archives

Anne-Marie St-Jean Aubre
Vox Centre de l’image contemporaine, Montréal
du 2 novembre au 15 décembre 2012
Jacquelin Hoang NguyenSpace Fiction & the Archives, vue d'exposition, 2012.
Photo : © Michel Brunelle, permission de Vox Centre de l'image contemporaine, Montréal
Jacqueline Hoang Nguyen présente chez Vox un projet surprenant, alliant documents d’archives, memorabilia, articles de journaux et vidéo associés à l'un des événements commémoratifs qui soulignaient en 1967 le centième anniversaire de la Confédération canadienne. Pour cette occasion, la communauté de la petite ville de St. Paul en Alberta s’était distinguée en créant une piste d’atterrissage pour ovni, un épisode de la petite histoire canadienne dont Nguyen se sert pour réfléchir aux décisions politiques importantes prises au même moment et qui marqueront le cours de la grande histoire.

En effet, grâce aux documents juridiques officiels qu’elle choisit d’exposer, l’artiste rapproche la construction de cette plateforme de l’esprit d’un moment singulier au Canada, celui du changement apporté à la loi sur l’immigration. En ouvrant ses frontières grâce à une politique plus flexible, le Canada modifiait son image en promouvant le multiculturalisme, un ethos que les habitants de St. Paul semblent avoir réussi à saisir à leur manière par cette structure symbolique faisant de la nation non plus seulement une « Terre des Hommes » – en écho à l’exposition universelle tenue à Montréal la même année – mais également une terre d’accueil pour toute forme de vie, terrestre et extraterrestre. L’idée, rafraîchissante de naïveté, fait sourire. Pourtant, un des articles de journaux qui rapportent la présence du ministre de la Défense de l’époque, Paul Hellyer, à l’inauguration, le 3 juin 1967, fait état de la curieuse fierté qui transparaissait dans son discours – un commentaire qui rend tangible le sérieux entourant la manifestation.

Dans la biographie de l’artiste, Vox résume bien sa pratique artistique en précisant qu’elle « vise à révéler la pertinence politique d’anecdotes anciennes passées inaperçues ou jugées anodines en les exploitant sous un jour nouveau ». La première salle sert en quelque sorte à donner un contexte à la vidéo en présentant d’une manière qui se veut plus objective les données de l’événement mis par la suite en récit. La vidéo 1967: A People Kind of Place joue ainsi sur la polysémie du terme « histoire », à la fois narration d’une expérience vécue ou imaginaire (ce qui l’amène sur le terrain de la fiction littéraire) et discours scientifique. Le caractère invraisemblable de l’anecdote, un fait pourtant incontestable, s’y trouve davantage exploité par Nguyen qui mêle aux bandes d’archives et aux commentaires de personnes impliquées dans le projet des effets cinématographiques évoquant de vieux films de science-fiction. Conjuguant points de vue singuliers et voix off omnisciente, la vidéo rappelle subtilement que la grande histoire s’écrit toujours à partir de la petite, au-dessus de laquelle elle tente de s’élever pour montrer les mouvements de fond qui s’y tissent.

Anne-Marie St-Jean Aubre, Jacqueline Hoang Nguyen
Cet article parait également dans le numéro 77 - Indignation
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