
Photo : Jean Brasille, permission Villa Arson, Nice
du 2 octobre 2010 au 11 mars 2011
Avec l’exposition IAIN BAXTER&, le Centre culturel canadien soumet au public parisien une proposition qu’il est impossible de dissocier de son contexte. Conçue pour « célébrer » le 40e anniversaire de cet établissement, 30 ans après la diffusion au même endroit des Reflets sur polaroid de grains de beauté parisiens (1980-1981), un projet qui posait un regard « touristique » sur Paris, cette rétrospective du parcours de l’artiste depuis 1967 est placée sous le signe d’une vision « de l’intérieur » du Canada. Si les œuvres appuient la position du commissaire français Christophe Domino, on peut s’interroger cependant sur l’appropriation européenne de cette « perspective canadienne » – un aspect qui, malheureusement, n’est pas traité ici de manière explicite.
Pourtant, l’accent est bien mis sur la dimension américaine de l’expérience véhiculée par Baxter&, conçue par Domino comme un « lieu d’unification des contraires ». Canadian perspective peut d’ailleurs se lire entièrement à travers la question du lien, qu’implique d’emblée le « & » du nom commercial de l’artiste. Ici, Baxter& apparaît lui-même comme un agent de liaison, sous la figure du promeneur, dont la pratique est conditionnée par deux moyens de déplacement : la marche et la conduite automobile. Les photographies présentées témoignent de ses traversées dans l’étendue du paysage canadien, tels des constats touchant la réalité naturelle et sociale du pays. En privilégiant comme sujet l’espace routier et son système de signes (panneaux, enseignes, etc.), cet ensemble établit une continuité entre géographie et communication, renvoyant aux théories de Marshall McLuhan. L’attention mobile caractérisant le mode de production des images trouve aussi son prolongement dans la conscience du spectateur, qui prend la mesure des opérations complexes sur le temps et l’espace à travers lesquelles se crée leur réseau perceptuel et conceptuel.
C’est l’œuvre One Canada Video (1992) qui incarne le mieux ce travail sur la transitivité de l’image. À la manière d’un road movie, cette installation reconstitue le voyage « transcanadien » de Iain et Louise Baxter sur l’autoroute qui relie la côte est à la côte ouest, en 110 heures de vidéo projetée sur le pare-brise d’une voiture située dans la première salle, accompagnée de sa trame sonore. Rejoignant l’approche générale de l’exposition, la médiation discursive de l’œuvre prône l’union dans la distance et la diversité. Or, une telle vision tend à amoindrir la dimension interrogative initiale du projet, soit la possibilité même de concevoir un Canada. S’en dégage un certain malaise, que la force intrinsèque des œuvres sélectionnées, dont celle-ci, arrive toutefois à surmonter. Finalement, outre d’affirmer la présence d’une figure majeure de l’art contemporain canadien sur la scène française, l’intérêt de l’exposition anniversaire du CCC est de montrer comment le lieu de présentation est appelé à devenir un enjeu de réflexion lorsqu’il s’agit d’aborder une problématique nationale.