Depuis quelques années, le travail tout à fait singulier de David Altmejd suscite beaucoup d’intérêt. D’origine montréalaise, cet artiste a su par ses œuvres se faire remarquer par la communauté artistique internationale. En plus de représenter le Canada lors de la prochaine Biennale de Venise, trois expositions de ses œuvres ont été ou seront présentées cette année à Oakville (Ontario), Montréal (Québec) et Calgary (Alberta). La commissaire de l’exposition et directrice de la Galerie de l’UQAM, Louise Déry, a dirigé la publication du catalogue qui accompagne ces expositions. Elle propose également dans cette monographie abondamment illustrée un essai qui jette un regard attentif sur l’ensemble de la démarche de l’artiste.

Intitulé Métamorphose/Metamorphosis, le texte de Déry se divise en neuf thèmes : imaginaire, labyrinthe, survivance, loup-garou, miroir, dispositif, énergie, écriture, lecture. Ils ont pour but d’approcher sous des angles différents les aspects les plus importants qui se dégagent de l’œuvre sculpturale de l’artiste. Sur le plan formel, celle-ci puise son originalité de la rencontre tout à fait inusitée entre la « réserve moderniste et l’éclectisme postmoderne ». Cela permet, comme le suggère l’auteure, de questionner plusieurs éléments de la sculpture moderne et d’entreprendre une nouvelle réflexion à propos de l’espace. Par exemple, comme matériau, le miroir a déjà été utilisé chez des artistes associés au minimalisme, mais l’usage qu’en fait Altmejd vient surtout troubler notre rapport à l’œuvre. Comme chez Borges, auquel l’artiste se réfère, le miroir donne accès à un univers où l’image du double fascine. De plus, toujours d’un point de vue formel, c’est l’idée du labyrinthe qui inspire l’œuvre plastique de l’artiste. Elle génère des architectures complexes qui, alimentées de contrastes, ouvrent sur un théâtre baroque où surgissent des images d’horreur.

Esthétiquement, ce sont ces images produites par la dualité entre l’organique et l’inorganique qui séduisent le spectateur. La fourrure, les perruques, les cheveux et les fleurs synthétiques, les bijoux, parfois des écritures qui se réfèrent au judaïsme, sinon à la culture gay, tout cela contribue à produire un univers hétéroclite qui ne manque pas d’étonner. La figure du loup-garou est à ce titre tout à fait centrale. Elle représente magnifiquement l’ambiguïté qui sous-tend notre rapport à l’animalité. Si Louise Déry fait appel au romantisme pour rendre compte d’un des aspects de son travail, celui-ci évoque de toute évidence le fantastique du romantisme tardif. Car s’il y a désir d’osmose et de fusion entre l’homme et la nature, c’est ici par désir de donner un nouveau souffle à la vie à partir de ce qui nous est étranger et difficile à cerner. C’est pourquoi les sculptures de Altmejd inquiètent. Elles mettent en scène ce que les Grecs appelaient hubris, la démesure. C’est au cœur de ce débordement que l’artiste puise son intuition, sa « pensée créatrice », c’est aussi dans cet entre-deux que se produit la métamorphose.

André-Louis Paré, David Altmejd
Cet article parait également dans le numéro 60 - Canular
Découvrir

Suggestions de lecture