Simon Bilodeau, Samuel et Dominique Pépin-Guay (Arbre-Évolution), I love gasoline , 2014
Photo : Marie-Hélène Boileau, permission des artistes
Mireille Lavoie et Berthier Guay (Matériauthèques),
Sans titre, 2014.
Photo : Jean-Sébastien Veilleux, permission de la Biennale de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli
Haut lieu de la sculpture traditionnelle sur bois, le village de Saint-Jean-Port-Joli accueille depuis 2010 la Biennale de sculpture, un rendez-vous artistique ouvert à l’art contemporain. L’édition de 2014, sous le commissariat de Nicolas Mavrikakis, a joué d’audace en constituant des duos, mariant artisans ou collectifs locaux avec des artistes de Montréal ou de Toronto. Une telle stratégie a généré de fructueuses confrontations entre le savoir-faire ancestral associé aux modes de représentation traditionnels et les pratiques contemporaines qui s’élaborent autour de termes culturels multiples. Pour l’ensemble des duos, les œuvres font écho à des préoccupations actuelles dans un spectre allant du développement durable aux traditions artistiques, en passant par les récits populaires et l’aménagement de sites d’observation dans la nature.

I love gasoline, de Simon Bilodeau et de Samuel et Dominique Pépin-Guay (Arbre-Évolution) propose un regard critique sur les catastrophes écologiques et sur la désolation qui en résulte. L’œuvre ébauche un panorama fait de structures brulées qui suggèrent la destruction anticipée de la terre, sorte d’archéologie d’un péril annoncé. Tout autour, la plantation d’arbustes par une entreprise locale est toutefois porteuse d’espoir. Le bois, de par son essence même, constitue un rempart face aux menaces environnementales.

Les références à la nature et à la tradition artistique sont au cœur du dialogue entre Dean Baldwin (La table de la méduse) et Pierre Bourgault (Caméléon). Chez Baldwin, une table munie d’un mât avec fanion, immergée au gré des marées, est porteuse d’une charge mnémonique importante. Le bois utilisé jadis pour la construction de navires ravive le souvenir d’embarcations soumises aux forces des éléments. Simultanément, la transformation de la table/radeau en petit restaurant à marée basse parle de survivance, expression métonymique pour la survie de la planète.

Marc-Antoine K. Phaneuf et Robert Gaudreau (Atelier Godro),
Bûcher, 2014.
Photo : Jean-Sébastien Veilleux, permission de la Biennale de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli

L’œuvre habitable de Bourgault possède une dimension métaphorique : la maison comme gardienne de mémoires, celle du métier de l’artiste et celle de la culture. De l’intérieur, le spectateur peut observer, au loin, l’œuvre de Baldwin et imaginer un moment de l’histoire de l’art par l’évocation du Radeau de la méduse de Géricault.

À la puissance d’évocation du bois s’ajoute une valeur immémoriale liée aux mythes. Le corps au diable de Stéphane Gilot met en scène un pantin géant aux traits diaboliques. L’œuvre explore les légendes associées aux mystères de la forêt. Une danseuse de Fleuve/Espace Danse, déesse ou sorcière portant sur sa tête des fagots symbolisant des forces surnaturelles, improvise un ballet avec le diable.

Cet intérêt pour les rituels se double d’un regard critique chez Marc-Antoine K. Phaneuf. Le bûcher échafaude une pyramide précaire où s’entremêlent objets divers et nains de jardin de Robert Gaudreau (Atelier Godro). Autodafé potentiel, l’œuvre évoque, sur un mode ludique, la fragile survivance de la tradition et des savoir-faire ancestraux.

La pertinence de ces questionnements aura nourri le dialogue toujours fertile entre art populaire et art actuel.

Berthier Guay, Chantal Boulanger, Marc-Antoine K. Phaneuf, Mireille Lavoie, Robert Gaudreau, Samuel et Dominique Pépin-Guay, Simon Bilodeau
Cet article parait également dans le numéro 83 - Religions
Découvrir

Suggestions de lecture