Art et environnement, une relation en profonde mutation

Bénédicte Ramade
Foire Papier, Montréal,
dimanche 28 aout à 14h
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ÆlabGlaceDiffraction, résidence à la Fondation Grantham pour l'art et l'environnement, 2022.
Photo : Gisèle Trudel
Foire Papier, Montréal,
dimanche 28 aout à 14h
Les arts visuels s’occupent des questions environnementales depuis peu ou prou une cinquantaine d’années, si l’on se fixe comme marqueur historique les premières œuvres du mouvement étatsunien de l’art écologique, qui datent de 1965. Dans ce cas très particulier et circonscrit, les premiers développements ne réagissaient pas à des évènements catastrophiques précis, mais s’inscrivaient dans une réflexion au long cours à propos d’écosystèmes urbains typiquement invivables en tentant des propositions réhabilitantes. Je pense ici à Alan Sonfist, à Patricia Johanson ou encore aux époux Harrison. Ce modèle-là a également entériné une pensée scientifique davantage écologique que militante, alors même qu’en Europe, un Joseph Beuys ou un Nicolás Uriburu s’engageaient justement dans cette dernière voie. À coup d’images-slogans et de pratiques sentinelles, ces artistes ont tracé de leur côté une autre modalité d’action pour l’art en prise directe avec des questions environnementales. Ils formulaient des réponses à l’actualité médiatique d’alors, entre cours d’eau contaminés et pluies acides. 

La photographie, quant à elle, s’est employée à documenter les pollutions et exactions environnementales ou à représenter des paysages et une nature miraculeusement épargnés. Toutes les options se sont alors retrouvées chapeautées par l’idée vague de nature (sous-entendant sa protection) à mesure que les problèmes écologiques s’accentuaient. Ensuite, dans les années 2000, le domaine des études environnementales – combiné à l’adoption, par le milieu culturel dans son ensemble, de la notion d’Anthropocène – a subi une profonde refonte et provoqué une révolution, celle du vivant. La notion est venue supplanter celle de nature, trop occidentalocentrée – trop restrictive aussi, car comprenant un exceptionnalisme humain. Avec cette « révolution », les artistes, les critiques et les philosophes s’emploient à mieux écouter le vivant pour mieux faire entendre des voix qui se particularisent, au fur et à mesure que sont abandonnés les réflexes de taxonomies par espèces et que se conceptualise un rapport individuel à ses représentant·e·s. Il en résulte désormais des pratiques de partenariat et de collaboration, une prise de conscience de l’agentivité du sujet, qu’il soit botanique, animal ou même minéral. Se pose alors la question des modalités de création avec le vivant. Par souci éthique, comment comprendre la place de l’artiste ? Les méthodologies peuvent ainsi s’appuyer sur les sciences naturelles, comme dans le courant récent où l’on s’intéresse à l’intelligence des plantes – un génie botanique qui rebrasse la notion de mauvaise herbe, par exemple. Mais un tel sujet, abordé par Anahita Norouzi lors de sa résidence à la Fondation Grantham pour l’art et l’environnement en 2021 et exposé en 2022 entre ces mêmes murs, revêt également une dimension postcoloniale critique. L’intolérance teintée de xénophobie qu’entretiennent certaines sociétés à l’égard des plantes a ainsi été finement passée au crible dans le cadre d’une enquête minutieuse sur les trajectoires géopolitiques des diasporas, tant humaines que végétales, afin de disséquer les diplomaties de jardin à l’origine des listes noires botaniques1 1 - Fondation Grantham pour l’art et l’environnement, Cahier 03, 2022, <https://static1.squarespace.com/static/5ba53f65bfba3e3c655954e5/t/62841aea20e2433e3bb89994/1652824817340/CAHIER_03.pd>..

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