Louis Ucciani
Essais d’esthétiques new-yorkaises

Chute du mur de Berlin, chute des tours jumelles. Comment cerner le réel après la chute ? Comment se constituer d’après la perte, dans un monde saturé où les puissances dites fallacieuses de la représentation dominent ? La vie des artistes devenu·es mythiques nourrit les créations contemporaines. Pourtant, philosopher, n’est-ce pas toujours vivre en fonction de l’inéluctable, soit-il collectif ? Le philosophe Louis Ucciani est à New York au tournant des années 2000, puis revient sur son expérience des années suivantes jusqu’à aujourd’hui. Cela pourrait être le début d’une réécriture d’À rebours, de Joris-Karl Huysmans, mais le philosophe n’est pas romancier : il trouve sa forme propre, tisse sa toile à mesure qu’il s’en dégage, nous sème, nous embarque.

Chaque chapitre s’ouvre sur la rencontre d’un artiste. Le cadre physique est posé en quelques phrases narratives qui nous plongent presque en douceur dans la radicalité de l’exercice de la pensée. La mise en mouvement des idées a donc un décor, ici : des ateliers, des appartements, des galeries, des fondations, la rue. L’ouvrage trace une constellation composée de figures new-yorkaises : Louise Bourgeois, Yoko Ono, Greg Stone, Mark Lombardi et enfin Pierre Soulages, astre noir auquel est consacré la seconde partie du livre. Outre cet ensemble visible, d’autres artistes – notamment Patrick-Earl Barnes, Ben, Pierrette Bloch, Gérard Collin-Thiébaut, John Giorno, Aurelie Nemours, Dominique Papety, Barbara Puthomme et Richard Serra – apparaissent au fil du texte et complètent sur un mode plus discret, presque à voix basse, le réseau donné de prime abord. Plus que des listes de référence vouées à la vanité ou à la vacuité, ces artistes sont la matière même du livre, matière à partir de laquelle Ucciani se met en mouvement, reliant ces êtres et leurs univers comme autant de personnages avec lesquels il tisse une histoire.