Charles Campbell, Maroonscape 1: Cockpit Archipelago, Pérez Art Museum Miami, 2019. Photo : Mateo Serna Zapata, permission de l'artiste
Charles CampbellMaroonscape 1: Cockpit Archipelago, vue d'installation, Pérez Art Museum Miami, 2019.
Photo : Mateo Serna Zapata, permission de l'artiste

Respirer sous l’eau : les archives du souffle de Charles Campbell

Jayne Wilkinson
Les profondeurs océaniques sont réputées être les lieux les moins connus de la Terre : elles sont dépourvues de lumière et de couleurs, elles sont peu cartographiées et toute perception doit s’y faire par le biais d’une distance technologique. Dans une installation récente intitulée How many colours has the sea (2024), l’artiste multidisciplinaire Charles Campbell s’empare de cet espace spéculatif à la fois imaginé et réel. Neuf grands panneaux d’aluminium lumineux, longs et étroits aux motifs rose, orange, jaune et bleu vifs ponctuent une salle assombrie telles de minces tranches d’arc-en-ciel découpées dans des murs indigo. Une sculpture de métal réticulée occupe l’espace aérien ; ses géométries angulaires se déplient dans un rythme ondoyant, rappelant des coraux, des nuages ou des algues. Une trame sonore composée d’enregistrements réalisés par des hydrophones océaniques évoque les effets acoustiques hypnotisants de l’eau en mouvement, interrompus ponctuellement par le bruit déstabilisant d’un gros bouillon. Ces contrastes immersifs créent un sentiment de profond recueillement ; ils font penser à la mer à la fois comme une figure métaphorique de l’esprit et du renouveau et comme un lieu ­propice au deuil.

Tout en étant d’une grande beauté, ce concept demeurerait un peu intangible si ce n’était du recours à certains détails : les formes linéaires de la sculpture suspendue, par exemple, correspondent aux relevés bathymétriques du fond de l’Atlantique au point précis où les plaques tectoniques africaine et nord-américaine se rencontrent. Les panneaux d’aluminium colorés sont des spectrogrammes sonores obtenus à partir de l’enregistrements du souffle des ami·es et des collègues de Campbell ainsi que des personnes de sa communauté. Grâce à un mélange élaboré de son, de lumière, de formes et de couleurs, l’installation évoque deux sujets aussi difficiles à représenter l’un que l’autre : les profondeurs abyssales du fond océanique en tant qu’espace imaginé et concret, d’une part, et les insondables pertes de vies humaines survenues lors du Passage du milieu.

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Image de la couverture du numéro Esse 114 Abstractions.
Cet article parait également dans le numéro 114 - Abstractions
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