
Photo : Sergio Durán, permission des artistes
Le faire incommun de l’agriculture
Le système de culture des Muiscas avait presque sombré dans l’oubli, en ville, quand, en 1968, l’anthropologue étatsunienne Sylvia M. Broadbent a mis au jour les signes d’une culture végétale formant un motif en damier ; de courtes lignes parallèles qui s’étirent, au fond de la vallée, entre le lit d’anciens ruisseaux et les canaux marécageux de la savane, de Suba jusqu’à la rivière Bogotá1 1 - Sylvia M. Broadbent, « A Prehistoric Field System in Chibcha Territory, Colombia », Ñawpa Pacha: Journal of Andean Archaeology, no6 (1968), p. 135-147.. Ses photographies aériennes témoignent d’un réseau étendu de zanjas, fossés dans lesquels les sociétés agraires élevaient des crabes et des poissons, et de camellones, champs surélevés qui étaient consacrés à diverses cultures vivrières essentielles : haricot, quinoa, pomme de terre, manioc, tabac, patate douce et maïs (aba, en muysccubun, la langue muisca). Les canaux, en régulant l’écoulement de l’eau à travers la savane, transformaient ces prairies marécageuses en système agricole complexe.